Marquée par la crise sanitaire, cette session annuelle du Parlement voyait plus de 4 propositions sur 5 liées à l’épidémie de Covid-19.
D’abord, la tutelle de l’économie (NDRC) dévoilait un plan visant à améliorer la capacité de dépistage du pays, les laboratoires qualifiés ayant cruellement fait défaut en début d’épidémie. À l’échelle nationale, au moins un laboratoire P3 sera donc construit dans chaque province, et un P2 dans chaque ville. « En tant que porte d’entrée de la Chine sur le monde, le Guangdong est souvent le premier foyer d’infection pour les maladies contagieuses », déclarait Wang Ruijun, directeur du département des Sciences et Technologies de la province. Or, le Guangdong ne dispose actuellement que de cinq P3 et d’aucun P4. La province devra donc construire 25 laboratoires P3 supplémentaires sous cinq ans, et un P4 pour rejoindre ceux de Wuhan et de Harbin.
Les provinces devront également augmenter leur nombre de lits dans les hôpitaux et en particulier dans les services de soins intensifs et ceux réservés aux maladies infectieuses. Par exemple, les villes de plus de 5 millions d’habitants devront disposer d’au moins 600 lits.
Pour Xiao Shengfang, président de l’association des avocats du Guangdong, il faudrait constituer de solides réserves stratégiques, pas seulement de grains ou de viande, mais aussi de matériel médical et de masques en cas d’épidémie. Dans la même idée, Ning Jizhe, vice-président de la NDRC, suggérait que chacun des 400 millions de foyers chinois dispose d’un kit de premiers soins contenant des masques en cas d’urgence. « Tout le monde doit prendre l’habitude de faire des réserves et de se secourir soi-même », affirmait Ning, un brin survivaliste.
Plus remuantes étaient les propositions des délégués du Hubei, dont l’une visant à protéger les « lanceurs d’alerte issus du corps médical », comme le Dr Li Wenliang et sept autres médecins réprimandés début janvier. Zhou Hongyu, vice-président de l’Université normale de Chine centrale (Wuhan), appelait les forces de l’ordre à faire preuve de tolérance en cas de propagation de fausses informations : « du moment que l’information de base est vérifiée, et que ses auteurs n’ont pas de mauvaises intentions, nous devons nous montrer cléments ». Zhou, délégué à l’ANP depuis deux décennies, suggérait également d’inclure un critère de « réactivité » dans la loi de prévention des maladies infectieuses.
Durant cette session parlementaire, Gao Fu, directeur du Centre national de Prévention des Maladies (CDC), était attendu au tournant : « mes collègues et moi-même acceptons avec humilité les critiques visant notre mauvaise gestion au début de l’épidémie ». Il défendait pourtant la qualité de la réponse chinoise par rapport au reste du monde. « Même si le CDC a besoin d’améliorer son mécanisme d’alerte épidémique mis au point après le SRAS, les réalisations de la Chine sont évidentes », se défendait-il.
Faisant écho aux propos de l’expert Zhong Nanshan, Gao pointait du doigt la tutelle du CDC, la Commission nationale de Santé (CNS), qui micro-manage les opérations du CDC. « Nos experts doivent être libérés de toute interférence administrative », déclarait-il avec tact. « Il nous faudrait un accès direct aux hauts dirigeants, voire le pouvoir d’alerter directement la population sans passer par la CNS », plaidait-il. Malheureusement, le virologue de haut niveau n’était pas entendu, laissant aux observateurs un goût de déjà-vu post-SRAS : des promesses de mieux faire, mais rien qui remettrait en cause le monopole décisionnel du Parti.
Sommaire N° 23-24 (2020) Spécial " Lianghui "