Petit Peuple : DALIAN : le chat magicien

Exactement comme l’homme de l’Ouest, le Chinois voit dans son chat un compagnon un peu sauvage, pétri d’énergies occultes : portrait qui aurait de quoi inquiéter, s’il n’était allégé d’une touche de fidélité naïve et primesautière.

Quoique proches en apparence, les deux visions viennent d’horizons situés aux antipodes. Avec ses vertus magiques, notre bon vieux greffier vient d’Egypte, du temps où il était Dieu parmi les Pharaons. Tandis que le chat chinois aux pouvoirs propitiatoires vient du Japon, mythe du招财猫 zhao cai mao, « chat portant fortune ». Et voici pourquoi:

 En des temps reculés, dans l’Empire du Soleil Levant vivait un ermite dans un temple ruiné, avec pour seule compagnie un matou, qu’il sustentait comme il pouvait. Mais un triste soir, le garde-manger fut irrémédiablement vide, et après avoir miaulé tout son saoul, Mistigri planta là son vieux maître – une trahison en apparence !

Mais voilà que le lendemain, dit le conte, un terrible orage se déclara, alors qu’un officiel en mission passait par là : Minou lui apparut et dressé sur ses pattes de derrière, agitant le « bras » en arrière, lui enjoignit d’entrer. Amusé et intrigué, le dignitaire obtempéra. A peine passé le seuil, un terrible éclair s’abattit au lieu précis qu’il occupait l’instant d’avant, creusant un cratère profond, à la pente taillée au rasoir: émerveillé et confondu, l’officiel s’empressa de faire restaurer le saint lieu et son vieux locataire, pour remercier son disciple félin d’avoir épargné sa vie.

Si nous relatons cette légende, c’est pour mieux éclairer le fait divers qui suit, banal, mais qui éclaire bien la mentalité chinoise. Joueur au loto impénitent, un certain Wang, de Dalian (Liaoning), se rendit le 7 octobre à son kiosque habituel, portant sur son épaule le chaton qu’il avait trouvé six semaines plus tôt dans la rue. Mais quand il se pencha sur l’ordinateur pour composer sa séquence de chiffres fétiches, l’animal bondit lestement sur le clavier, fit un pas de danse, pressa la touche d’entrée: un ticket émergea, qu’il dut payer. L’imprévu fut que le soir même, un buraliste médusé lui communiqua l’incroyable nouvelle : il avait gagné 3351¥ – c’était un «chat portant fortune» – cybernétique, par-dessus le marché!

En publiant l’incident, le journaliste chinois trahit le fait qu’il croit dur comme fer en ce pouvoir semi-divin du chat distributeur de chance, celui de Wang, comme celui de l’ermite. Question de fidélité en l’héritage. 

Même si l’expression populaire en contredit une autre,    瞎猫遇到死耗子 xia mao yu dao si hao zi, «  chat aveugle attrape souris morte » – suggérant que le chaton joueur, n’a été pour rien dans la bonne fortune de son maître.

Hostile à la superstition, le socialisme se garde de valider l’une ou l’autre des 2 conceptions du chat. Mais souhaitant peut-être laisser sa trace dans le trésor commun des proverbes, Deng Xiaoping a forgé celui-ci, inspiré par son credo matérialiste: « Qu’importe qu’ un chat soit blanc ou noir, pourvu qu’il attrape la souris ».

En cette époque postmoderne où la « société spirituelle » a cédé la place à l’argent-roi, on pourrait réactualiser la formule en la concluant ainsi : «…pourvu qu’il gagne au loto ! »

 

 

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