Zéro. C’est le nombre officiel de nouvelles contaminations du Covid-19 recensées sur le territoire chinois le 17 mars, moins de deux mois après avoir pris des mesures drastiques pour contenir le virus. A Wuhan, les 42 000 médecins et infirmières envoyés en renfort, rentrent chez eux avec les honneurs. Au sein de la ville, le retrait des points de contrôle routiers est célébré par des feux d’artifice. Dans le reste du Hubei, les restrictions sont levées progressivement. Et l’enquête sur la réprimande du « lanceur d’alerte » Li Wenliang est bouclée. Alors, la Chine aurait-elle gagné sa bataille contre le virus ? Pas tout à fait. Désormais, la menace vient des pays étrangers et le gouvernement ne veut pas prendre le risque d’une deuxième vague de contaminations, comme en Corée du Sud, à Singapour ou à Taïwan. Déjà 314 cas importés ont été détectés aux aéroports du pays. Pour décourager les retours de citoyens chinois de zones à risque comme l’Europe ou les Etats-Unis, Pékin n’y va pas par quatre chemins : depuis le 15 mars, tous les voyageurs en provenance de l’étranger ont été envoyés en quarantaine à leurs frais dans une dizaine d’hôtels de la ville. A partir du 23 mars, les vols internationaux vers Pékin seront redirigés vers 12 autres villes (Tianjin, Hohhot, Shijiazhuang…). Les autorités mettent en garde les voyageurs : les frais d’hospitalisation des personnes contaminées ne seront pas pris en charge par le gouvernement et toute tentative de dissimulation de la maladie sera punie jusqu’à 3 ans de prison. Au moins 25 autres personnes font déjà l’objet de poursuites pour avoir caché leurs symptômes ou menti sur leur historique de voyage.
L’autre facteur pouvant engendrer de nouvelles contaminations, notamment via des cas asymptomatiques (43 000 cas fin février, 1 cas sur 3, non recensés dans le décompte officiel), est la reprise du travail. Or, la relance de l’économie devient urgente, après deux mois d’arrêt. Le 16 mars, le gouvernement faisait le choix de la transparence et les dégâts sont beaucoup plus lourds que prévu : en janvier et février, les ventes de détail ont chuté de 20,5% et la production industrielle de 13,5% par rapport à 2019. Le secteur de la restauration lui, a plongé de 43,1%. Un effondrement inédit en trois décennies. Si la Chine a déjà adopté une série de mesures financières et fiscales, elle a pour l’instant renoncé à un large stimulus comme lors de la crise de 2008.
Les chiffres de l’emploi ne sont guère meilleurs : le taux officiel de chômage pour les travailleurs urbains a bondi à 6,2% en février, contre 5,2% en janvier. Au moins 5 millions auraient perdu leur travail à cause de l’épidémie. Selon un rapport publié par Gavekal Dragonomics, les restrictions des déplacements ont fait perdre aux travailleurs migrants l’équivalent de 800 milliards de yuans (103 milliards d’euros) de salaire. Si l’on ajoute les travailleurs indépendants, la somme pourrait atteindre les 1500 milliards de yuans (193 milliards d’euros), soit entre 3% et 4% du revenu disponible des ménages. On le voit, les personnes (et les entreprises) qui ont le plus souffert de cette épidémie sont celles les plus vulnérables.
Pourtant, le gouvernement veut à tout à prix relancer la consommation. Pour inciter les gens à sortir de chez eux, les dirigeants montrent l’exemple : maires et secrétaires du Parti de 16 villes chinoises ont été récemment vus en public, faire du shopping ou déjeuner au restaurant. A Nankin, des coupons d’une valeur de 50 et 100 yuans ont été distribués à la population, tandis qu’à Hangzhou, le métro et les bus ont été rendus gratuits. Dans les cinémas, les films à succès sont remis à l’affiche, comme le patriote « Wolf Warrior 2 ». Sorti en 2017, son scénario interpelle : Dr Chen, médecin militaire, cherche à développer un vaccin pour sauver le continent africain d’un virus ravageur. Dans la réalité, l’équipe dirigée par le major général Chen Wei (cf photo), en partenariat avec CanSino Biologics, a été autorisée le 16 mars à débuter les essais cliniques d’un vaccin développé en urgence à Wuhan. 108 volontaires recevaient l’injection trois jours plus tard. Pas par hasard, de l’autre côté du Pacifique, des essais similaires ont débuté dans un institut de Seattle. Alors que les Etats-Unis et la Chine s’écharpent autour de leurs journalistes et sur l’origine du virus, une nouvelle course au vaccin est désormais lancée. Et pas question pour le régime de la perdre : le virus a émergé en Chine et il sera vaincu par un vaccin chinois !
Sommaire N° 12 (2020)