En temps de crise, il est commun pour les autorités de lâcher volontairement la bride les premiers jours pour mieux identifier le problème et la source du mécontentement populaire. Début février, la fenêtre de liberté accordée semblait se refermer. Lors d’une réunion du Comité Permanent le 3 février, Xi Jinping appelait à « renforcer le contrôle sur les médias de l’internet ». 48h plus tard, des milliers de comptes WeChat et Weibo étaient suspendus temporairement… ou définitivement. Le journaliste citoyen Chen Qiushi, très actif sur le terrain depuis le début de l’épidémie (cf photo), disparaissait des radars… Fang Bin était également emmené au poste de police pour avoir propagé de « fausses rumeurs » après avoir filmé la situation dans les hôpitaux de Wuhan. Au moins 350 autres internautes étaient punis pour les mêmes motifs au 7 février. En parallèle, 300 journalistes du Département central de la Propagande étaient alors dépêchés sur place pour reprendre le contrôle de la couverture médiatique : émergeait peu après, une vidéo de malades dansant avec le personnel médical dans un gymnase transformé en zone de soin…
Suite à la vague d’indignation qu’entraina le décès de Li Wenliang , deux lettres ouvertes étaient rédigées. En réaction, la presse officielle tenta de les discréditer en accusant leurs auteurs d’être manipulés par « des forces étrangères ». La première était publiée par dix professeurs de Wuhan réclamant que la police retire sa sanction à l’encontre du Dr Li. La seconde était signée par un groupe d’intellectuels de Pékin et adressée à l’Assemblée Nationale Populaire (ANP). Inspirée par les manifestations à Hong Kong, cinq demandes étaient formulées : protéger le droit des citoyens à la liberté d’expression, faire du 6 février un jour férié, s’assurer que personne ne soit censuré ou puni pour ses opinions, offrir des soins équitables aux habitants du Hubei, victimes de discrimination dans le reste du pays, ainsi que le retour à une direction collective du pays. Le journaliste Chen Min affirmait que si quelqu’un devait payer le prix pour avoir émis des demandes aussi rationnelles, cela montrerait que tout bon sens est bel et bien perdu, et ne ferait qu’augmenter la colère du public. La sociologue de Tsinghua Guo Yuhua ne faisait pas d’illusion : « cette pétition n’ira pas bien loin avant d’être censurée, mais il est important de prendre position ». Zhang Qianfan, professeur de droit de Beida, déclarait que cela prendrait un peu de temps avant de voir si le mécontentement du peuple menacera vraiment la légitimité du Parti. Le principal facteur sera les dégâts économiques causés par l’épidémie et la longueur de la crise.
Autre signataire, le professeur de droit à Tsinghua Xu Zhangrun. Xu venait de publier un essai, blâmant la répression de la société civile ayant rendu impossible de sonner l’alarme. « Pékin a mis la loyauté des cadres au-dessus de la compétence… La bureaucratie est pleine de cadres médiocres sans motivation de bien faire. La situation politique au Hubei n’est que la partie émergée de l’iceberg, c’est pareil dans les autres provinces ». Le professeur avait été suspendu en 2018, pour avoir critiqué l’amendement à la Constitution abolissant la limite du nombre de mandats du Président chinois. Depuis la publication de ce dernier texte, il est injoignable…
Dans la même veine, l’intellectuel Xu Zhiyong appelait début février le Président à démissionner pour son inaptitude à gérer des crises majeures, comme la guerre commerciale ou le mouvement de protestation à Hong Kong. Le 15 février, il était arrêté à Canton lors d’un contrôle de quarantaine, après 50 jours de cavale pour avoir tenu à Xiamen une réunion sur la transition démocratique. Xu accusait le leader d’avoir « gâché » le pays avec des mesures exhaustives de maintien de la stabilité sociale. En 2018 seulement, le pays aurait accordé 1380 milliards de yuans (180 milliards d’euros) en budget à la sécurité publique (sécurité d’Etat, police, surveillance domestique, milice civile armée…). C’est trois fois plus qu’en 2008, et 200 millions de yuans de plus que le budget de l’armée.
1 Commentaire
severy
16 février 2020 à 22:35Il n’y a plus qu’à espérer que ces nouvelles victimes du régime ne disparaissent en détention après avoir « accidentellement » contracté le virus couronne.