Petit Peuple : Canton – Sept copines pour la vie (2ème Partie)

Résumé de la 1ère partie : Au sein du groupe audiovisuel Nanfang Media, à Canton en 2013, sept femmes se sont réunies en un club exclusif afin de mieux profiter de la vie ensemble, sans hommes…

« Oh, les filles, regardez ce que je viens de trouver ! ». Sur leur groupe WeChat, Pu la juriste interpellait en février 2019 les six autres membres du club, leur présentant en photos une grande bâtisse inachevée au cœur d’un hameau. « C’est mon village natal… le secrétaire du Parti a voulu monter un hôtel, et il a fait faillite en cours de construction, faute de trouver les crédits… à présent, il veut vendre, pour 350 000 yuans – c’est pour une bouchée de pain. Et si on l’achetait pour nous, comme lieu de notre future retraite ? »

Dans la demi-heure qui suivit, cette offre déclencha un feu roulant d’approbations lyriques. L’offre répondait à une vieille demande. Après sept ans de sorties tous les week-ends et de partage de la vie au travail, ces sept femmes, collègues dans la même « boite » de production publicitaire à Canton, ne concevaient plus de vivre séparées. A chacune de leurs rencontres, elles se sentaient vivre un peu plus intensément, penser ensemble, blaguer, rebondir sur leurs remarques, se conseiller dans leurs problèmes familiaux ou sentimentaux. Elles aimaient se faire la cuisine, et surtout le thé. Elles ressentaient toujours plus l’envie de partager leur jours, ceux du travail comme deux du temps libre. Au début 2019, Lan, leur aînée, 45 ans, leur avait lancé comme une boutade : « vous savez, les filles, dans 10 ans, pour nous toutes arrivera le temps de la retraite. Et si on se trouvait un coin pour vieillir ensemble – ça serait pas idéal, çà ? » Toutes avaient applaudi ! Aussi l’offre de Pu tombait elle dans une assemblée conquise d’avance : à peine une heure plus tard, à deux voitures, on se mit en route, pour aller découvrir cette merveille. 

Au village, toute en hauteur, la grande carcasse s’offrait à leurs yeux, comme une mystérieuse falaise – l’énigme de leur avenir commun éventuel. Pour l’heure, ce n’était pas encore grand-chose, rien qu’une coquille de briques et de béton, aux fenêtres et balcons béants dans le vide. Tout était à faire, du sol au plafond. Mais l’emplacement était idéal, à 70km de Canton par autoroute. La vallée s’étalait dans son vert immaculé, sans pollution. Avec 700m² sur quatre étages, le volume promettait de les accueillir toutes sans se marcher sur les pieds. Et le prix annoncé restait dans leurs moyens – elles étaient bien payées. 

L’enfer est dans les détails : un problème émergea avec le secrétaire du Parti, qui leur précisa que cette maison allait avec 10 « mou » (deux tiers d’hectare) de terre, qui devrait être payés à part. Cela allait doubler le prix. Pire, les femmes devraient obligatoirement rétrocéder en location ces sols aux paysans, au nom du maintien des rizières en culture – c’était la loi. A l’évidence, le rond de cuir, après avoir raté son projet d’investissement, cherchait à faire payer aux repreneurs les frais de son échec – ou bien à faire capoter la négociation.  

Mais c’est alors que Lan, l’aînée, eut le trait de génie permettant de sauver la situation : « nous sommes toutes des enfants du pays, répliqua-t-elle : « Pu, notre soeur, est née ici -on est pour ainsi dire de la même famille… faut s’entraider ! la rizière, on va vous l’acheter, mais vous pourrez continuer à la cultiver gratuitement – nous renonçons à tous frais de location». C’était pour le village des conditions de rêve ! Dès lors, le secrétaire ne put que donner son feu vert. Pour 700 000 yuans (ce qui restait un très bas prix), le club des sept emportait le palais de ses rêves. Elles obtenaient en plus la promesse qu’on leur construise un sentier de bambou sur pilotis ainsi qu’un pavillon devant la maison, en pleine rizière, pour se retrouver pour le thé. 

Dès lors, les choses allèrent très vite. Une fois les fonds payés et le titre de propriété transféré, les amies nommèrent un copain architecte d’intérieur comme maître d’oeuvre. Le rez-de-chaussée fut dallé de carrelage et de marbre gris et blanc, offrant une vaste salle de séjour avec cuisine ouverte. Le premier étage fut réservé aux espaces communs pour les ateliers de poterie, tissage, et aux chambres pour invités. Au troisième, un surprenant cube de verre se détachant de la paroi, devint la salle de yoga, de méditation et de dégustation de thé. Le reste de l’étage et le quatrième furent partagés en appartements tout confort, autonomes et agrémentés de jardins intérieurs, avec arbustes, jardinières, bancs et balancelles. Avec le sobre mobilier de Thaïlande et les tapis du Maroc, les salles d’eau dernier cri et l’immense table de chêne, il y en avait eu pour quatre millions de yuans, supportés par les sept amies : c’était le prix du rêve, pour cette maison qu’elles n’appelaient plus, avec affection teintée d’un brin d’ironie, que « notre ermitage à nous » (咱们的归宿, zánmen deguīsù).

 A l’automne 2019, tout était prêt pour la fête inaugurale, en présence des collègues, conjoints, enfants et amis. Mais dès le départ, entre les filles, un ensemble de règles strictes était convenu, afin de garantir la préservation de l’esprit communautaire et féminin du site, et que leur maison reste le lieu idéal, celui où démarre l’an zéro-un de la nouvelle vie ! 

Mais au fait, ces règles ne seront-elles pas insupportables à la longue, et recréer une communauté de femmes hors du monde, est-il réaliste ? C’est ce qu’on verra à l’ultime épisode, la semaine prochaine ! 

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1 Commentaire
  1. severy

    Quoi?! Il faut attendre une semaine entière pour connaître la suite de ce roman meyerdumassien? Vite! J’hiberne et je programme mon réveil pour dans 168 heures chrono. Top!

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