Depuis le début des temps (époque Shang, 1766 -1122 avant JC), le zodiaque chinois fait succéder au rat le boeuf, et au signe le plus destructeur, le plus réparateur. Aucun hasard ! Notre époque semble confirmer cette règle de l’alternance cosmogonique entre tumulte déréglé de 2008 (avec son séisme, ses JO, puis son implosion économique), et 2009 où règne, on l’espère, le calme plat et la convalescence.
Au 26/01, jour du Nouvel An lunaire, lui succède le boeuf, comme pour remettre de l’ordre dans l’étable. Paisible, il incite à l’effort et la patience. Volontiers taciturne, le boeuf de 2009 n’aime pas les risques, et suit obstinément son chemin. Il ignore la fortune, l’argent facile et la politique—seul l’intéressent sa famille et ses amis. Pour Pékin donc, ni fronde ni instabilité à redouter, sauf s’il lésait frontalement ses intérêts !
Associé à l’élément de la Terre, le boeuf offre cette année à l’agriculture le double de chance :
[1] protégée par le pouvoir qui achète ses récoltes au prix fort, pour soutenir le marché tout en reconstituant ses réserves. Face à tout autre secteur, ce soutien monétaire est pour l’instant son privilège exclusif.
[2] crise ou pas, tout le monde doit manger, marché incompressible. Cette même bonne étoile « bovine » et « terrestre » profitera aussi au textile et même à l’immobilier. Mais elle desservira les services, la finance et les (télé)-communications -on s’en serait douté !
Les maîtres du 风水 fengshui font confiance au boeuf pour tracer le sillon de l’année, avec force tranquille, altruisme, fiabilité, intelligence -au-delà d’une apparence de benêt. Sans oublier pour autant ses défauts: possessif, dogmatique, intolérant voire mesquin et s’il est provoqué, d’une violence hors contrôle !
C’est peut-être ce que redoute le pouvoir, pensant aux 188 millions de migrants qui retournent au foyer dans les pires conditions depuis 30 ans : honteux et confus, chargés de cadeaux de pacotille, incapables de présenter au village une fiancée ou leur contrat d’embauche (pour les étudiants), endettés : n’ayant pas réglé leurs affaires, comme le stipule la tradition.
De plus, le voyage est plus rude. Ils sont 14 millions de plus que l’an passé, avec les nouveaux chômeurs. Les gares sont bondées, les autorités sur les dents. 2000 vendeurs à la tire sont sous les verrous, dont 80% à Canton, et 78.000 tickets confisqués (la plupart faux).
Les vrais défis débuteront après la fête. Comment occuper au village les 10-20 millions qui resteront sur place? Comment éviter que les 600.000 mingong chassés de Canton par le chômage (5% de l’emploi migrant) ne deviennent 5 millions dans l’année (25%), comme le redoute le vice gouverneur ? Extrapolée sur le pays entier, une telle hécatombe d’emplois cantonais se traduirait par 50 millions de sans travail!
Voilà un défi qu’aucun pays n’a assumé avant la Chine : orchestrer un reflux d’exode rural d’une telle amplitude. C’est la démarche inverse de celle de l’humanité depuis deux siècles. C’est une fin de cycle de développement qui engage toute la Terre. Tous les pays sont en quête d’un mode de vie, et d’économie, nouveau et durable. La Chine aussi, et on la regarde !
Sommaire N° 3