Petit Peuple : Shanghai : le Père Noël et la petite fille

On ne s’en rend pas compte, mais les grandes tragédies d’autrefois,  genre Héloïse et Abélard ou Roméo et Juliette, passent de nos jours comme mythes, mais pas en vie réelle. Des histoires aussi tortueuses et torturées, passent pour ringardes. Sauf en Chine où la vie, sans chercher midi à 14h, permet encore des beaux drames d’amour « à l’ancienne » ! 

A la tête d’un centre de formation professionnelle réputé, à Shanghai, Zhou Xiang (51 ans) n’avait rien d’un dragueur en proie au démon de midi. Il restait toujours d’une rigoureuse honnêteté envers son épouse malade. On peut donc dire que seul le hasard s’est joué de lui, en le plongeant dans les filets d’une passion dévastatrice.

Non loin de son école se tenait un bouiboui dont il avait fait sa cantine, en raison de ses plats du jour succulents et à bas prix. En attendant son assiette, il lui arrivait aussi, quand il se croyait non-observé, de détailler les yeux noirs comme la nuit  de Ruan Li, la serveuse de 24 ans. Entre la poire et le tofu, il l’interrogeait sur sa vie, son village au Sichuan, la misérable boutique de 4m² qu’elle tenait en ville avec son mari…

Leur relation bascula ce jour de 2007 où il lui proposa un tour de moto, pour aller voir leur échoppe. Le quartier où elle habitait était si misérable et la chaussée si déformée que la moto ripa – Zhou se brisa la jambe. La santé de sa femme ne lui permettant pas d’accompagner son homme quelques jours à l’hôpital en tant qu’aide-infirmière, (护工, hugong), Ruan Li accepta de tenir le rôle quelques jours, lui faire sa toilette, passer l’urinal, porter ses repas. Dans le dortoir géant, Zhou et Ruan se livraient -déjà- à un jeu qu’ils croyaient innocent : se faire passer aux yeux des autres pour père et fille !

Une fois rétabli, sous prétexte de gratitude, Zhou s’enfonça dans son jeu de séduction inconscient. Il multiplia les cadeaux au couple pauvre – un jour 2000¥, l’autre 10.000¥, un poste de télé, un vélomoteur…

Mais on ne joue pas impunément au père Noël : un jour qu’il était passé à moto la prendre à la guinguette, sous prétexte qu’elle l’aide à acheter des vêtements, Ruan se mit à minauder, lui demandant de l’emmener en amazone, derrière lui pour un tour de Shanghai, qu’elle ne connaissait pas. Durant une des haltes, à l’impromptu, elle lui prit la main et quand il tenta de la repousser, elle se jeta dans ses bras, d’un mot ensorcelant : « je ne suis qu’une pauvresse. Pour te remercier de tous tes bienfaits,  – tout ce que je t’ai à te donner, c’est mon corps »…

Victime consentante, il céda, oubliant tous ses principes.

Peu après, en mars 2008, sous prétexte d’un  stage, il l’emmena en lune de miel illégitime dans l’île de Hainan.

Pour calmer sa conscience, et la vigilance de Yuan, le mari grugé, il combla toujours plus le couple: 50.000¥ à Yuan pour l’aider à soigner ses grands-parents malades, un nouvel emploi pour lui, un autre pour elle… Mais Yuan pas si bête, flairait la trahison : il les fila jusqu’au nid d’amour, les cueillit au lit. Puis il se vengea du  déloyal ami le menaçant de le dénoncer auprès de son patron et de sa femme, et lui extorqua ainsi ses 600.000¥ d’épargne !

C’était compter sans le sursaut de dignité de Zhou, qui déposa plainte au parquet de Minhang. Sentant venir l’orage, Ruan et son mari vinrent le prier de faire marche arrière. Ils faillirent réussir – mais la plainte ne pouvait plus être retirée. Sur ce, la femme infirme de Zhou subit coup sur coup deux arrêts cardiaques, dont elle réchappa juste, pour pardonner le moment d’égarement…

Face à tout ce gâchis,  chacun des trois protagonistes bat sa coulpe en vain, et voudrait  « se manger le nombril, mais la bouche est trop loin » (噬脐何及 shì qí hé jí). Sauf peut-être la trop jolie Ruan Li, honteuse de sa faute, mais satisfaite au fond d’elle-même d’avoir assumé, une fois dans sa vie, une chose qu’elle désirait.

 

 

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