A la loupe : Yitong, avocats sans froid aux yeux

Le 3/03, immédiatement diffusé par l’internet (mais pas par la presse!), le verdict du bureau de justice de Haidian (Pékin) prenait une ampleur nationale : le cabinet Yitong était suspendu, ses avocats interdits d’exercer pour six mois, ce qui, selon son directeur Li Jisong, équivalait pour la firme à sa faillite. Raison alléguée : un des associés, Li Subin, pratiquait sans licence. Yitong conteste l’accusation comme sans fondement : Li Subin, directeur-adjoint, ne plaidait pas, mais faisait dans le conseil juridique.

Mais tout ceci n’est qu’un coin du voile. Ce que le ministère de la Justice reproche à Yitong, est plus grave : avoir défendu [1] Hu Jia, le défenseur de causes humanitaires condamné à trois ans, titulaire d’un prix du Parlement européen; [2] Chen Guangcheng, l’apôtre des droits des femmes contre la stérilisation forcée (emprisonné pour 4 ans, titulaire d’un prix philippin); [3] les églises protestantes au foyer, sous le feu d’une persécution sensible depuis 2007; [4] les élections directes au barreau de Pékin : Yitong avait recruté plusieurs avocats chassés par d’autres maisons pour avoir réclamé cette démocratisation de la profession. [5] avoir repêché Li Subin, qui venait de gagner un procès contre le bureau de Justice du Henan pour faire baisser ses propres frais d’emprisonnement (391 jours !), ce qui n’avait pu qu’irriter les maîtres de la justice chinoise.

En fait, il n’y avait pas de cause assez désespérée que Yitong ne trouve digne de voler à son secours, en vrai Don Quichotte juridique de la Chine du XXI. siècle.

«Je poursuivrai le combat. Je ne leur ferai pas ce plaisir de désespérer de notre système légal, qui a tant progressé. Comparé à une tour de 100 étages, il en est au 70ème. Même si on pousse en bas, le simple maçon que je suis, je mourrai certes, mais ils ne pourront abattre les 70 étages déjà bâtis »… Li Jinsong, avocat-chef du cabinet Yitong

On voit cependant le malaise du pouvoir judiciaire, à lancer cette frappe : le procès se tient à quasi huis-clos (seul le directeur est autorisé à comparaître) ; et le verdict est soumis à révision, appel sous trois mois etc. Pas intimidées, les victimes se défendent bec et ongles, accusant « une poignée de cadres… de violer sciemment la loi ». Leur dé-fense est très commentée sur internet. Au passage, on peut imaginer le dilemme pour cette justice, de devoir frapper ses meilleurs espoirs: avant sa disgrâce, Gao Zhisheng, autre avocat « disparu » depuis six mois, avait été classé parmi les 10 meilleurs avocats du pays. Une des clés de tout cela : Gao Zhisheng, Hu Jia, Li Subin, sont tous de confession protestante, membres de cette minorité intellectuelle et légaliste, qui donne aujourd’hui le plus de fil à retordre aux autorités. (voir article suivant sur le protestantisme en Chine)

 

 

 

 

 

 

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