Depuis 2007 en Chine, Danone accusait Wahaha, sa filiale de détourner ses brevets et produits à travers des sociétés grises, lui causant immense préjudice. Après de multiples rebondissements, sous l’intervention discrète des deux gouvernements, l’épilogue vient début octobre : les deux groupes s’entendent sur un rachat par le Chinois des 51% de parts de la multinationale dans les 39 JV.
Le montant de la transaction n’est pas publié. Caijing, journal de référence, l’évalue à 300M², moins de 20% de ce que Danone avait exigé. A ce prix, Wahaha sort grand gagnant, confirmant sa propriété d’un marché (entre autres) de 60% des eaux en bouteille dans les campagnes, et de parts dominantes dans le thé et les jus de fruits.
Nonobstant, le communiqué conjoint demeure étonnamment fair play. Franck Riboud, Président de Danone salue en Wahaha un «leader fort et respecté» à la «grande réussite» tandis que Zong Qinghou, son fantasque collègue laisse ouverte la porte à toute collaboration «sur base d’égalité et de profit mutuel ».
Ce gâchis ne peut se comprendre que par l’existence de facteurs exceptionnels de l’époque. Jusqu’à il y a peu, la loi chinoise prohibait aux étrangers la commercialisation directe, ce qui avait forcé Danone à faire confiance à cette maison alors très petite.
Tout de suite, Zong avait interdit à Danone toute surveillance comptable – ce que le groupe avait trop longtemps toléré, espérant trouver un arrangement. Danone croyait sa couverture juridique plus solide qu’elle n’était, ce qui lui fit ensuite perdre les 21 procès engagés en Chine et à travers le monde. Zong avait joué de la fibre nationale, habillant auprès de la presse ses détournements sous les traits d’une campagne « patriote, pour le respect des firmes chinoises par l’étranger ». Enfin, Danone était entré en Chine avec un modèle commercial inadapté, multipliant les participations minoritaires dans différents groupes concurrents, ce qui mettait ses filiales d’un même secteur en porte-à-faux entre leur obligation de coopérer entre elles, et la lutte à mort pour la clientèle.
Pour l’avenir, rien ne sera plus pareil. Danone a déjà cédé ses parts dans les laiteries Bright et Mengniu, ne gardant que sa firme méridionale d’eau Robust. Il s’est impliqué dans une JV de santé alimentaire avec le groupe américain Weight Watchers. Il a aidé la banque bangladeshi Grameen à déployer en Chine son réseau de micro-crédit : démarche de responsabilité sociale d’entreprise, dont pourraient émerger plus tard des opportunités de croissance. Sa meilleure chance de rebondir reste toutefois dans ses métiers très focalisés : l’aliment pour bébé (filiale Dumex), le yoghourt depuis sa base de Shanghai, puis le reste du pays. Début d’un nouveau départ !
Sommaire N° 32