Célébré en très grande pompe, personne ne devait rater une miette du massif défilé du 70ème anniversaire de la RPC, ni du gala sur la place Tianan’men le 1er octobre.
A Pékin, seulement 30 000 habitants étaient conviés, triés sur le volet – une goutte d’eau dans l’océan des 23 millions d’âmes que compte la capitale. Alors, c’est sur les toits des immeubles qu’ils se consolèrent pour tenter d’apercevoir un bout de parade, une poignée d’avions de la parade aérienne et des reflets lointains du grand feu d’artifice. A Shanghai, ceux dont les ardeurs n’avaient pas été rincées par la pluie, s’étaient rassemblés à Nanjing Xi Lu devant l’écran géant… Las ! Celui-ci ne diffusait pas les spectaculaires images de la parade – sans doute pour éviter un remake du mouvement de foule meurtrier lors du nouvel an 2014. Mieux valait donc rester chez soi et profiter de la rediffusion du spectacle en direct à la télévision. Pour ce faire, le Département Central de la Propagande fit distribuer des TV LCD 32 pouces, made in China bien sûr, à 620 000 foyers de 24 régions parmi les plus pauvres du pays : un petit cadeau du Parti, célébrant la prospérité de la nation, et son esprit fraternel !
Difficile d’échapper à l’esprit patriotique de cette fête, même au cinéma ! A la 1ère place du box-office, « 我和我的祖国» ( Mon Peuple, Mon Pays), patchwork de sept courts-métrages retraçait plusieurs faits marquants du régime, sous la direction de l’emblématique réalisateur Chen Kaige . Parmi les étapes ainsi glorifiées figuraient le 1er essai nucléaire chinois en 1964, l’or de l’équipe nationale féminine de volley-ball aux JO de Los Angeles en 1984, la rétrocession de Hong Kong en 1997 ou le retour de la cabine spatiale Shenzhou XI en 2016… En 2ème place figurait « Le Capitaine », histoire romancée du commandant de bord de Sichuan Airlines qui avait réussi en 2018 à ramener au sol son appareil après l’explosion de la vitre du cockpit à 30 000 pieds au-dessus du plateau tibétain, et la perte de son copilote, entrainé dans le vide… Le 3ème film le plus suivi portait encore sur un fait héroïque : joué par Zhang Ziyi et Wu Jing, « Les Alpinistes » relatait la première ascension chinoise de la face Nord de l’Everest, en 1960.
Pour toucher le cœur des jeunes, le géant high-tech chinois Tencent, en partenariat avec le Quotidien du Peuple, lançait le 24 septembre, un jeu vidéo gratuit qui permettait de créer virtuellement sa ville idéale dans la province de son choix. En deux jours à peine, « 家国梦 » se classait en tête des téléchargements sur l’App Store chinois. Une semaine avant les festivités, le groupe proposait d’ajouter à sa photo de profil WeChat un drapeau écarlate ou un autocollant patriotique. 200 millions d’utilisateurs se prêtèrent au jeu, déclenchant ainsi une panne temporaire des serveurs.
Dans la même veine populiste, Didi Chuxing, le maître incontesté du transport partagé, tenta de profiter de l’événement du 70ème anniversaire pour redorer son blason terni par deux meurtres successifs commis par deux de ses chauffeurs en 2018. Didi proposait donc à ses conducteurs membres du Parti d’afficher leur appartenance sur le tableau de bord de leur véhicule. Le message implicite se voulait rassurant, mais ne l’était pas tant : « vous êtes entre les mains d’une personne de confiance, non d’un assassin » !
Sommaire N° 34 (2019) - Spécial 70ème anniversaire