Confronté à la crise mondiale, Pékin a choisi de sauver son industrie automobile par un système d’incitations généreuses. Dépassant toutes espérances, le résultat fera date: 13M de véhicules en 2009, succédant à 9,38M en 2008. La Chine passe 1er producteur mondial, devant les États-Unis. De très loin, le n°1 est SAIC (Shanghai Automotive Industry Corp), un constructeur local poussé par ses partenariats avec VW (n°2) et General Motors (n°3): 2,44M de ventes de janvier à novembre 2009 (+54%).
Mais ce succès crée des turbulences sur le marché mondial : ces ventes dopées aux stéroïdes cannibalisent celles de l’an prochain où la profession attend une rechute à +15%, voire +10%. Or le marché reste excédentaire, et la concurrence féroce, (tout en grignotant les marges), force les firmes à se lancer dans la course aux capacités, avec pour seule chance d’éviter de lourds ennuis, l’improbable maintien de cette croissance d’enfer.
Poussé par des ventes de +80%, Hyundai veut gonfler d’ici 2012 sa production de 60% à 1,24M voitures. BMW prépare une 2de usine à 560M², à 100.000 unités puis 300.000/an. Daimler veut détrôner Audi comme 1er fabriquant de luxe, et ouvre à Pékin un centre de design dirigé par un homme de talent, le français Olivier Boulay.
Après 20 ans de Chine aux résultats en deçà de son poids mondial (3,7% du marché, 187.792 ventes en 9 mois), PSA (Peugeot Citroën) se lance dans une stratégie de reconquête, sous la baguette de son PDG Philippe Varin.
Ouvert l’an passé, son centre shanghaien de R&D à 250 ingénieurs (550 en 2012) se revendique le 1er étranger, à concevoir des modèles exclusifs pour la Chine – 10 sortiront d’ici 2014. Par cette nouvelle donne, PSA espère réaliser 5 à 6% du marché et 1M de ventes en 2015. Le groupe familial va peut-être renforcer son image grâce au prix, partagé avec 29 autres firmes, de l’Entreprise citoyenne chinoise 2009 (du journal 21st Century Business Herald). Contribuera aussi à ce saut d’image, le plan du groupe pour couper de moitié ses émissions de CO2 d’ici 2020, notamment par l’allégement de l’habitacle et l’introduction de boites, pneus et moteurs de nouvelle génération.
PSA met un autre fer au feu, avec son rachat annoncé de 50% (ou plus) de Mitsubishi. Un n°7 nippon qui revient de loin, ayant été lâché en 2005 par Daimler qui en revendait alors ses 37%, persuadé que l’avenir était… aux USA. Aujourd’hui exsangue, n’ayant produit en 2009 que 50% de 2008 (650.000 de janvier à août 2009), Mitsubishi doit se marier ou mourir. Or, cette acquisition aura des conséquences en Chine: le n°7 nippon a une force dans le 4×4 où PSA est absent et surtout, il apporte sa voiture électrique, la i-Miev, que PSA pourrait produire et vendre en Chine sous carrosserie Peugeot/Citroën.
Autre grand remous: General Motors cède à SAIC pour 85M$ 1% des parts de leur JV, lui en cédant ainsi le contrôle. En même temps, il permet a SAIC de le rejoindre en Inde, doublant la capacité de son usine locale convertie en JV grâce à l’apport chinois de 300M$ d’invest frais. Quoique GM le conteste, les deux actions semblent à l’avantage essentiel de SAIC: la prise de pouvoir de SAIC dans leur JV, devrait permettre à GM de poursuivre son expansion régionale sans capital, dont il est démuni (en Chine, il veut doubler ses ventes et lancer 30 modèles sous 5 ans).
Ainsi certes, la tempête mondiale réussit bien aux constructeurs chinois—mais GM sauve l’essentiel, avec l’espoir de se refaire, et sous 5 à 10 ans, de pouvoir se détacher de la structure JV, une fois que le pays aura abandonné cette règle de moins en moins utile aux deux parties.
Sommaire N° 40