C’est une réussite qui interpelle, cette chaîne de montage d’Airbus Helicopters Qingdao, ouverte depuis quelques mois dans le district de Jimo, à 40 km du grand port du Shandong.
Pourquoi, en effet, installer une usine parmi les plus modernes au monde, dans un métier de l’hélicoptère que certains décrivent comme « la haute couture de l’aéronautique », au cœur d’un pays qui ne rêve notoirement que de combler l’avance de l’Europe ou de l’Amérique en ce domaine ? Car le marché chinois s’avère incontournable, avec une demande en hélicopères en constante augmentation.
Ainsi, la coopération avec Airbus ne date pas d’hier. Dès 1980, Airbus octroyait une licence de production de son AS-365 à Harbin. En 2016, le groupe européen s’engageait à fournir 100 hélicoptères de modèle H135 d’une capacité maximale de six passagers. Sans être le plus récent, ce best-seller permet la surveillance aérienne, le sauvetage, le transport humain ou de matériels en zone inaccessible par voie terrestre. Ce modèle peut permettre le chargement d’une civière par la queue de l’appareil.
Les cinq premiers H135 arriveront prêts à l’emploi d’Allemagne. En effet, sous la responsabilité industrielle d’Airbus, l’accord s’est fait curieusement depuis la Bavière, région qui dispose d’une forte base technologique, avec à l’origine, semble-t-il, une intervention de la chancelière Angela Merkel. Ce choix d’implantation à Qingdao est donc un clin d’œil au statut historique de la ville qui, de 1898 à 1919, avait été sous protectorat de l’empire d’Outre-Rhin…
Inauguré fin 2018, le centre de Qingdao a déjà débuté l’assemblage des autres H135 par les 43 mécaniciens ou cadres, dont 8 expatriés européens. A terme, les H135 seront livrés au rythme de 18 par an, capacité normale de la chaîne de montage, qui pourrait monter jusqu’à 36 par an.
La base comporte, outre ses halles de montage, de peinture, et de test d’étanchéité et de prévention des fuites de carburant, une piste d’atterrissage qui permet aux hélicoptères d’atterrir et de décoller – car ces appareils à voilure tournante, pas plus que les aéronefs, ne peuvent se passer d’une telle piste.
Pour protéger ses technologies, Airbus ne produit sur place presqu’aucune pièce. Elles viennent d’Allemagne, de France, de Grande Bretagne ou d’Espagne. Cela réduit le risque de rétro-ingénierie dans les domaines très sensibles, tel que celui des pales.
Pour autant, cette coopération permet à la Chine de s’initier aux métiers de l’hélicoptère, la métallogénèse, la motorisation (Safran ou Pratt & Whitney), avec deux moteurs à bord et l’obligation de garantir une sécurité de moins d’une avarie par 1 milliard d’heures de vol.
Dernier détail, la production du centre de Qingdao ne représente qu’une fraction des besoins en hélicoptères du pays. Seuls 658 appareils sont en service en Chine, bien loin derrière les chiffres américain, français ou allemand. Ainsi, les ventes en Chine progressent vite : +20% par an nationalement, dont presque la moitié aux mains d’Airbus.
Toutefois, l’usage d’hélicoptères reste très limité, notamment pour cause de réglementation tatillonne et de détention de l’espace aérien par l’armée. Actuellement, concernant le management de l’hélitransport d’urgence, la Chine, à travers la CAAC, s’engage dans la voie adoptée en Europe, consistant à effectuer le déplacement sans plan de vol afin de légaliser le vol rétroactivement. Les autorités militaires devraient suivre en ce sens, permettant sans doute un bond en avant des ventes d’hélicoptères dans le pays.
Sommaire N° 27-28 (2019)