Les actions se sont précipitées en mer de Chine, jusqu’au 13/05, date butoir des dépôts des revendications des Etats auprès de la CLCS (Commission on limits of the continental shelf) – instance technique chargée de guider l’ONU dans le partage des zones maritimes en litige. Neuf pays se disputent 3,5Mkm² de mer de Chine, riche en ressources pétrolières, halieutiques et carrefour maritime mondial. Philippines, Brunei, Malaisie, Vietnam, Indonésie, Japon et les deux Corées fondent leurs exigences sur leurs rivages et le relief du sol immergé. Devant la CLCS, trois de ces pays ont lancé une soumission.
Vis-à-vis de cette mer qui porte son nom, la Chine s’estime des droits historiques supérieurs, et revendique la quasi-totalité de ces eaux (3Mkm²), même très distantes : elle ne concède aux voisins qu’une bande côtière de 20 milles nautiques. Depuis novembre ’02 toutefois, pour renforcer les liens avec l’ASEAN, Pékin et ses co-riverains acceptent de régler le litige au tapis vert, et de s’abstenir de tout acte agressif sur le terrain d’ici là.
Nonobstant, préférant jouer la car-te de l’ONU, Hanoi et Kuala Lumpur déposaient à partir de mars leurs desiderata devant la CLCS, séparément puis ensemble. Plus subtile, afin d’améliorer les chances de conciliation bilatérale, Manille limitait sa soumission à une fraction seulement de ses revendications, et émettait une loi de la mer, pour l’occasion.
Ce qui n’empêche Pékin de décréter l’ensemble de ces démarches «irrecevables» par l’agence de l’ONU, sous l’angle de la procédure. Elle semble même rejeter la légitimité arbitrale de l’ONU, lui préférant des négociations directes, du style «Goliath contre David». Aussi, à la CLCS, elle a déposé non une «soumission» mais une «information initiale» sur «les limites extérieures » de sa ZEE (Zone Economique exclusive (maritime). Elle réserve même ses droits à déposer d’«autres informations initiales dans d’autres régions du monde» – allusion probable à l’archipel des Diaoyu-Sankaku, aujourd’hui sous contrôle nippon.
Simultanément, la Chine lance deux autres initiatives.
[1] Elle crée (ou plutôt refond) une division de son ministère des affaires étrangères, dite « des affaires frontalières et océaniques ».
[2] Elle crée une flotte spécialisée de garde-côtes, calquée sur les coastgards américains : une police maritime, destinée à faire régner sa loi dans «ses » eaux -y compris celles contestées. Depuis trois mois, plusieurs de ces flottilles ont fait la navette vers les archipels Paracelses et Spratley, sous prétexte d’y combattre contrebande et braconnage.
Tout cela porte un sens précis. Celui d’une politique nouvelle, ardemment soutenue par l’académicien Wang Gangling. La Chine croit —probablement à raison- que la Commission du droit de la mer, impuissante, ne fera rien contre ses intérêts. Et en attendant le temps du partage, en bilatéral, elle consolide ses outils diplomatiques (le ministère) et techniques (ses garde-côtes), pour imposer sa présence, de facto et de jure.
Sommaire N° 17