Dans l’univers des écoles, un vieux scandale éclate. Quoique ayant eu 514 points (note honorable) au Gaokao (Bac) en 2004, Luo Caixia, de Shaodong (Hunan), contre toute attente, n’avait pas été admise en université. Puis ses parents, quoique pauvres, avaient pu lui offrir de répéter son année, lui permettant d’intégrer en 2005 à l’université normale de Tianjin. Mais les soucis recommencèrent en 2008, avec une série d’inexplicables incidents. Tentant de lui ouvrir un compte, la banque dut refuser, constatant que son nom et son n° d’identité étaient déjà « occupés » au fichier national par une alter ego. Même réponse au Bureau de l’éducation, quand elle réclama son diplôme : il avait été retiré par une personne qui ressemblait fort à Wang Jiajun, son amie d’enfance. Luo porta plainte et bientôt, tout s’éclaira. Quatre ans plus tôt, Jiajun avait raté son examen. Mais son père, Wang Zhenrong, administrateur du canton, avait le bras long. Forçant ses inférieurs à violer la loi, il avait intercepté la lettre d’admission de Luo à l’université normale du Guizhou et piraté son identité : depuis, sa fille, enseignante diplômée, était son sosie administratif… Alerté, le ministère tarda un an à réagir, jusqu’à début mars 2009, quand l’affaire parut au Journal de la Jeunesse, immédiatement reprise par toute la presse et l’internet. Suite à quoi des mesures énergiques suivirent sans plus de retard, afin d’éviter que les 12M de lycéens en train de réviser leur propre examen, ne perdent confiance, et ne descendent dans la rue.
Wang Zhenrong, le maire abuseur, est sous les verrous- il avait été condamné en 2007 à trois ans avec sursis pour corruption à Longhui (Hunan), comme commissaire de police. Deux acolytes sont interrogés. Et le diplôme de sa fille a été annulé.
Curieusement, cette affaire semble le clone exact d’une autre, qui débuta 19 ans en arrière. En 1990 à Tengzhou (Shandong), Chen Xiaoqi avait bénéficié de l’aide de son père secrétaire du Parti pour voler la lettre d’admission de la jeune Qi Yuling, sa copine, à une école de commerce. Qi avait fini ouvrière métallo et Chen, sous-directrice de l’agence locale de la Banque de Chine. Un procès s’engagea, interminable. Juridiquement, trois agences de l’Etat (les 2 écoles, l’administration) étaient accusées de viol du droit constitutionnel à l’éducation de la lycéenne. En outre, police et banque locale étaient aussi coupables de négligence : les juges défendaient l’Etat contre la jeune fille, et protégeaient au passage la fraudeuse. C’est finalement la Cour suprême, huit ans plus tard, qui admit la faute des organes publics, leur imposant une indemnisation.
A l’époque, les juristes avaient parlé de verdict fondateur, et d’une nouvelle ère de respect des droits de la personne. Quoique Qi n’ait pu obtenir qu’un chèque, et pas une place en fac, et quoique la fraudeuse ait pu conserver en toute impunité le diplôme et l’emploi volés. Depuis lors pourtant, la Chine a enregistré un progrès tangible : l’introduction d’un fichier central des citoyens, à la police, à la banque, aux universités, empêchant la répétition du cas à l’avenir. Et c’est ainsi que la démocratie s’insinue dans le pays : par la technologie, plus que par la loi…
Sommaire N° 17