Technologies & Internet : Washington barre la route à Huawei

Déjà évoquées dans le passé, l’administration Trump annonçait finalement le 15 mai deux mesures visant le géant chinois des télécommunications.

D’abord, et sans nommer Huawei, le Président américain décrétait un « état d’urgence » interdisant toute utilisation d’équipement de télécommunication qui pourrait poser un risque à la sécurité nationale.

Surtout, comme pour lever tout doute sur la véritable cible de cette attaque, le Département du Commerce plaçait sur sa « liste noire » Huawei et 67 de ses succursales à travers 26 pays. Cela a pour conséquence d’obliger les firmes américaines désirant vendre leurs composants ou logiciels (comme Google) au groupe de Shenzhen, à obtenir une licence de Washington. Si le gouvernement décidait de ne pas accorder ces autorisations, cela impacterait gravement l’activité de Huawei, car sur les 70 milliards de $ de composants achetés par le groupe chinois en 2018, 11 milliards de $ provenaient des USA, de firmes telles Qualcomm, Intel ou Micron Technology. Huawei avait apparemment vu le coup venir, prétendant dans une lettre interne du 16 mai avoir un plan B pour assurer son approvisionnement.

Huawei ajoutait que les sanctions de la Maison-Blanche n’étaient « ni dans l’intérêt des compagnies américaines, ni dans celui des consommateurs », ses produits étant moins chers que ceux de ses concurrents Nokia et Ericsson. En réponse à l’accusation d’espionnage proférée par Washington, le groupe répètait qu’il n’a aucun lien avec le gouvernement chinois et refuserait toute demande d’accès aux données par celui-ci. De son côté, Pékin soutenait son champion dans la tourmente en qualifiant ces sanctions de « sabotage industriel » et « d’abus du concept de sécurité nationale ». En effet, pour le gouvernement chinois, les considérations sécuritaires de Trump ne seraient qu’un prétexte pour mettre des bâtons dans les roues de Huawei, qui dispose d’une longueur d’avance dans la 5G.

Washington a déjà lancé une guerre d’influence pour convaincre ses partenaires du « Five Eyes » (services de renseignement australiens, britanniques, canadiens et néo-zélandais) et ses autres alliés, de bannir le groupe chinois. L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont suivi les exhortations américaines. Au Royaume-Uni, après avoir longuement hésité suite à des avis contradictoires de ses agences de cybersécurité, Theresa May annonçait le 24 avril autoriser Huawei à prendre part au déploiement de la 5G, sauf dans les « cœurs de réseaux » où transitent toutes les données. Quelques jours avant (14 avril), l’Allemagne refusait également d’exclure le groupe de ses appels d’offre. Puis Emmanuel Macron affirmait le 16 mai ne pas s’opposer à Huawei, mais une future loi soumettra les équipements télécoms de nouvelle génération à autorisation du Premier ministre.

Mais la donne pourrait changer avec ces nouvelles sanctions. En effet, certains alliés européens se demandaient pourquoi bloquer l’accès de Huawei à leurs marchés, si les Etats-Unis ne le faisaient pas eux-mêmes ?

En tout cas, cette annonce tombe mal pour Huawei qui tentait de rétablir la confiance grâce à un « pacte anti-espionnage » proposé aux gouvernements européens.

Côté Etats-Unis, le timing n’est évidemment pas anodin. En pleine guerre commerciale, Donald Trump cherche sans aucun doute à faire pression sur la Chine pour la forcer à accepter ses termes. Sous cette lumière, ces sanctions ne sont certainement qu’un levier supplémentaire pour les USA. Le cas de l’autre géant chinois ZTE est instructif : visé par des sanctions fortement similaires aux Etats-Unis en 2018, celles-ci avaient finalement été levées quelques mois plus tard… Pour Huawei donc, la messe n’est pas encore dite !

Par Charles Pellegrin

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