Confronté au frein de l’économie et aux aléas du bras de fer américain, le Conseil d’Etat ne peut nier la crise face à ses élus : le foncier chute dans 100 villes, la dette publique s’envole à 5000 milliards de $, et le crédit des banques va presque exclusivement aux firmes publiques, les moins dynamiques, tandis que ferment des centaines de firmes privées, faute d’en obtenir. L’automobile souffre : premier sur la liste, le coréen Kia se résout à fermer sa plus ancienne chaîne (à Yancheng dans le Jiangsu).
Pour rasséréner les élus, Guo Shuqing, chef de la tutelle des banques et assurances CBIRC, annonce un tournant dans la machine du crédit : une « réforme financière du côté de l’offre », réorganisation du crédit aux entreprises. La CBIRC va donc favoriser l’éclosion de nouvelles banques de petite taille, d’autres institutions de crédit sectoriel, ouvrir plus large la porte aux étrangers. L’autre volet sera, d’ici 2020, le démantèlement des firmes zombies, qui survivent uniquement grâce aux subventions.
Problème : ce plan-là n’est pas nouveau. Il est freiné par les provinces qui défendent leurs emplois, et par les banques et actionnaires qui veulent retarder le moment du dépôt de bilan. De ce fait, en trois ans seules 1900 de ces « zombies » ont été fermées. En décembre 2018, la NDRC intimait aux provinces de lui soumettre sous six mois des plans de restructuration. Dans ce but, et pour subvenir à leurs autres besoins en 2019, elle leur octroie 320 milliards de $ de droits de tirage (+59% par rapport à 2018) – dont 46 milliards déjà partis fin février. Ge Honglin, président de Chinalco, prédit des primes au replacement des employés, et des charges patronales réduites de 20% à 16% du salaire cette année.
D’autres aides de relance consisteront en une baisse de TVA de 16% à 13% pour les usines, de 10% à 9% pour le transport et le foncier. Au total, des baisses de taxes atteindront 297 milliards de $ et le déficit public passera de 4,1% à 5%, provinces incluses. Selon Li Keqiang, ces fonds devraient permettre aux banques d’augmenter de 30% leurs prêts, surtout à destination du privé et des PME. De fait, dès janvier, la masse des prêts atteignait un montant record de 477 milliards de $. Pour autant, l’Etat se défend de lancer un stimulus en forme de rizière, inondant l’économie de plus de fonds qu’elle ne peut absorber.
En dépit de ces chiffres ronflants, ce déploiement d’intentions ne peut cacher l’impression du maintien d’un statu quo : le secteur immobilier, hier fer de lance d’une croissance surchauffée, demeure sévèrement limité en crédit bancaire. D’autre part, par la bouche de son président Xiao Yaqing, la SASAC, tutelle des consortia publics continue à propager le mythe de groupes publics « non abonnés au crédit bancaire illimité », par ailleurs « autogérés, autofinancés, autodisciplinés et autodéveloppés »… Ils seraient donc partenaires à part entière d’une économie de marché—une affirmation audacieuse, et sujette à caution.
Sommaire N° 10-11 (2019) Spécial "Deux Assemblées"