Cui Yongyuan l’ex-animateur TV comptait déjà à son actif la révélation de la fraude fiscale de l’actrice Fan Bingbing. Or à présent, il médiatise un autre scandale, en trois actes depuis le 26 décembre.
Acte I Ce jour-là, il dévoile un vol à la Cour suprême de documents sur un litige vieux de 12 ans entre deux groupes du Shaanxi. Filmé en vidéo, Wang Linqing, le juge de 44 ans, dénonce la disparition du dossier de son bureau. Kechley Energy, groupe privé, et le très public Xian Institute of Geological and Mineral Exploration se disputent une mine de charbon aux réserves estimées à 50 milliards d’€. Fin 2017, la Cour avait penché pour Kechley, mais sous des motifs dilatoires, son verdict n’était pas émis. Bien sûr, la disparition des pièces bloque le procès.
Acte II, le 3 janvier : le juge Wang remet ça, se plaignant de pressions subies pour favoriser l’institut de Xi’an : « Si tu t’obstines, tu auras des ennuis », l’aurait-on prévenu… Le 8 janvier, une enquête s’ouvre. Une semaine après, Zhao Zhengyong, l’ex-secrétaire du Parti au Shaanxi jusqu’en 2016, est arrêté comme ayant exercé des pressions contre Kechley, et pour suppression de preuves. Zhao cependant n’était pas sans appuis, membre notoire d’une faction ayant englobé l’ex-chef de toutes les polices Zhou Yongkang (condamné à perpétuité en 2017), et Zhou Qiang, Président de la Cour Suprême.
Mais à huit semaines des « deux Assemblées » cette affaire faisait désordre. Et voilà qu’en Acte III, le 22 février, le juge Wang Linqing ressort de l’ombre et apparaît au journal télévisé, confessant un supposé mensonge : l’affaire lui ayant été retirée, il aurait pris les papiers pour saboter le travail des collègues. Formellement donc, le mystère des pièces disparues est résolu. Mais nombre d’internautes se demandent : pourquoi le juge aurait-il dévoilé en Acte 1 un délit qu’il aurait lui-même commis ?
Quoiqu’il en soit, le scandale écorne la volonté du régime, réaffirmée ces derniers jours, d’Etat de droit. Il dévoile aussi le malaise sur la question très politique de la propriété de mines de charbon. Surtout, cette affaire porte sur la place publique des luttes de factions internes. Forcée ou pas, la confession de Wang Linqing sauve la place de son patron Zhou Qiang. Mais pour combien de temps encore ? Xi Jinping ne peut que souhaiter gagner le contrôle de la Cour Suprême, un des seuls organes qui lui échappent encore, avec la Commission Centrale Politique et Légale (« zhengfawei ») dirigée par Guo Shengkun.
Avec Alex Payette
3 Commentaires
severy
4 mars 2019 à 13:16Voyons, voyons. Un petit accident est si vite arrivé. Les bâtiments abritant la Cour suprème et la CCPL ne se trouveraient-ils pas sur la ligne de faille située à la jonction de deux plaques sismiques; celle, visible, de la dictature du Parti sur le dodu prolétariat et celle, plus difficile à déceler, du « Prends l’oseille et tire-toi tant qu’t’as l’temps »? Une charge bien placée et… les rats quittent le navire qui peut être récupéré en toute légalité par des « sauveteurs », selon les lois les plus élémentaires du droit de la mer (de la flibuste réunis).
Pas si bête, l’imagination, non?
severy
4 mars 2019 à 13:17… (de la mer et de la flibuste réunis).
severy
13 juillet 2020 à 17:32Combat d’écrevisses dans un panier de crabes.