John Hou Saeter n’est pas le profil le plus connu du championnat chinois, mais pour son club du Guo’an, son arrivée pourrait changer la donne. Le 13 février, le club pékinois annonçait fièrement la naturalisation de sa recrue de 21 ans, directement atterrie de Norvège. D’autres devraient suivre, tel Nico Yennaris, Anglais de 25 ans formé à Arsenal. Ces joueurs ont rejoint la Chinese Super League (CSL), naturalisés du fait de leurs mères chinoises et ayant renoncé à leur nationalité d’origine. Pour les clubs, cette pratique est une première et un moyen de contourner le règlement qui limite à trois le quota de joueurs étrangers pouvant être alignés au coup d’envoi des matches de CSL. Elle permet aussi de contourner la taxe prohibitive de 100% sur les transferts de joueurs venus d’ailleurs. En tout état de cause, leur recrutement aura coûté peu cher, s’agissant d’espoirs en début de carrière. Pour l’Association Nationale du Football (CFA), ils offrent aussi l’opportunité de renforcer un Onze national toujours à la traine. Car en terme de résultats à l’international, il reste du chemin à accomplir avant de pouvoir exaucer les vœux du Président Xi Jinping, mordu du ballon rond, de voir son pays recevoir et remporter la Coupe du monde d’ici 2050.
Le bilan du mandat de l’entraineur italien Marcello Lippi à la tête de l’équipe nationale aura été en demi-teinte, avec juste trois places gagnées au palmarès mondial, qui la porte au… 72ème rang ! Ses succès à la direction du Guangzhou Evergrande, sa Coupe du Monde remportée en 2006 avec l’équipe d’Italie, n’ont pas suffi à Lippi pour faire monter en puissance l’équipe chinoise, ni pour la qualifier au Mondial en Russie l’an dernier. Cette énième absence apporte son lot d’interrogations quant au futur du football chinois.
Aux autres niveaux de la compétition asiatique, Lippi n’a pas fait briller davantage les moins de 17 ans et de 18 ans, qui n’ont pu se qualifier en Coupe d’Asie, et les moins de 20 ans qui ont raté l’entrée au Mondial 2019 en mai en Pologne. C’est un indice de l’insuffisance du réservoir d’espoirs du football chinois.
Fin octobre 2018, Lippi annonçait que la Coupe d’Asie aux Emirats Arabes Unis de janvier serait son ultime compétition. La Chine se languit de dépasser le quart de finale, qu’elle n’a atteint que deux fois en plus de 20 ans. Une fois de plus, l’équipe nationale était éliminée en quart de finale contre l’Iran, un des favoris de la compétition certes.
Suite à cette défaite, les critiques pleuvent sur Lippi, sur le jeu pratiqué, la fébrilité de la défense, mais surtout l’âge des joueurs sélectionnés : 23 joueurs en fin de course, dont 17 de plus de 29 ans. Leur moyenne d’âge était la plus élevée de la compétition—le capitaine Zheng Zhi alignant même 38 printemps. Ne pas avoir choisi de jeunes talents semble en désaccord avec la stratégie de la CFA qui privilégie ces dernières années leur détection et formation .
Dans le même ordre d’idée, le 2 octobre dernier, 55 jeunes de moins de 25 ans étaient appelés pour une formation de style militaire en plein championnat, et devaient rater les six dernières rencontres de CSL. Dans les média, de nombreux commentaires s’étaient interrogés sur l’utilité d’une telle décision, allant jusqu’à l’accuser de « tuer le football chinois ».
Cette polémique pointait du doigt un dysfonctionnement des organes décisionnels : qui est aux commandes du football chinois ? Deux organes se disputent le pouvoir, la CFA (émanation des clubs) et la Commission Nationale des Sports sous la férule du Conseil d’Etat, cette dernière s’ingérant notoirement dans le travail de la CFA.
A un mois de la China Cup (tournoi amical), le successeur de Lippi n’est toujours pas nommé. Du panier des candidats, plusieurs noms se dégagent, en tête desquels Li Tie, ancienne gloire du football chinois . Mais il n’aurait pas les faveurs de la CFA avec qui il entretiendrait des relations glaciales et son passage mitigé au club Hebei CFFC ne joue pas en sa faveur. Un autre postulant est Fabio Cannavaro, l’actuel coach du Guangzhou Evergrande. Ce champion du monde italien a l’avantage de bien connaître le football chinois, officiant en CSL depuis 2014. Quoiqu’il en soit, l’heureux élu à son tour devra accepter les ingérences de l’administration sur ses choix concernant l’équipe nationale.
Si la sélection masculine n’a participé jusqu’ici qu’à un seul mondial en 2002, leurs homologues féminines n’ont raté qu’une seule édition. Mieux, la Chine s’est hissée jusqu’en finale du Mondial 1999, tombant aux tirs au but contre les Américaines. Mais c’était l’époque où les Chinoises dominaient sans partage le football asiatique avec sept titres consécutifs en Coupe d’Asie depuis 1986. Aujourd’hui, le Onze féminin devrait faire figure d’outsider lors du mondial féminin disputé en France cet été. Parmi elles, Wang Shuang, seule Chinoise recrutée à l’étranger, brille depuis son transfert au PSG en 2018 et apporte une visibilité du football français en Chine. La FFF entend bien en profiter et a conclu un accord sur la retransmission des matches de la L1 masculine avec PPTV qui a attiré 62 millions de téléspectateurs depuis avril 2018.
De tels résultats sont encourageants pour combler le retard de popularité du football français et de ses clubs, vis-à-vis de leurs homologues espagnol ou anglais.
Par Liu Zhifan
Sommaire N° 6-7 (2019)