Economie : 2019, ou muter pour survivre

À quoi ressemblera l’an 2019 ? Tentons ici une prospective non exhaustive des tendances déjà visibles : elles seront inspirées par la croissance déclinante, les outils connectés, et le contrôle social, dont l’autorité exprime un besoin exponentiel.

Toutes sortes d’initiatives se préparent pour pallier au repli démographique qui se confirme, le pays n’ayant engendré en 2018 que 15 millions de bébés, deux de moins qu’en 2017—la baisse dure depuis sept ans. Le taux de croissance de la population s’est élevé à 3,81 pour mille en 2018, second plus bas taux de son histoire—à part en 1960, au cœur de la famine du « Grand Bond en Avant ». Toujours en 2018, la population active (16-59 ans) a perdu 4,7 millions de bras. D’où l’urgence pour l’Etat d’éliminer en 2019 les restes du contrôle des naissances, et de mettre en place des allocations familiales.

La manipulation génétique, l’eugénisme pourraient-ils être la solution ? Sûrement pas ! En décembre He Jiankui, depuis Shenzhen, avait fait naître deux jumelles génétiquement modifiées, résistantes au virus du SIDA. Il est à présent fermement désavoué par sa communauté scientifique, et le gouvernement. Accusé d’avoir créé des « humains 2.0 » sans permis en « évitant délibérément la supervision » dans une « quête personnelle de gloire et de profit », il risque gros, poursuivi au pénal. Son cas pourrait servir d’exemple pour la communauté scientifique. En tout cas, il faut s’attendre à un renforcement des contrôles des équipes médicales…

Par contre dans les rues, usines, églises et villages, le nombre des cameras à reconnaissance faciale explose. Des dizaines de milliers de jeunes informaticiens seront recrutés pour rechercher des algorithmes capables d’évaluer les données individuelles collectées, élaborer les fichiers des citoyens, et leur attribuer une note morale. On ignore tout de l’impact que ce crédit social aura sur le sort du citoyen, du résultat qu’il produira sur la société, et de la réponse de cette dernière—de l’acceptabilité du nouveau système. Déjà en cours de test au Hebei, un mini-programme WeChat vise à géolocaliser les personnes endettées autour de soi à moins de 500m !

Sans surprise, la voiture électrique (EV) fait son bond en avant : +83% l’an passé, dépassant le million de ventes, selon la CPCA, l’association des voitures de passagers. Un tel résultat reflète moins une vraie demande de l’usager, que l’effort d’un Etat anxieux d’éliminer la pollution des villes et de créer une filière industrielle dominante. Dans l’EV, il a investi 56,6 milliards de $, en primes à l’achat et en programmes de R&D. D’ici 2020, l’Etat veut porter les ventes à 2 millions. Les industriels sont astreints à faire sortir de leurs chaînes un pourcentage de leur production en EV, sous peine d’amende ou d’achats obligatoires de crédits aux concurrents ayant atteint le quota.

Or, 2 millions, c’est aussi l’objectif en Chine pour les véhicules partagés—ils étaient 100.000 en 2017. Et c’est un peu une nécessité : les villes craquent sous le nombre des voitures, et d’autre part les jeunes ne peuvent plus les acheter (faute de crédit bancaire). La solution trouvée (mondialement d’ailleurs) sonnera le déclin de la voiture privée, et sans doute, de bon nombre de marques. Didi Chuxing, le géant des transports partagés, s’allie avec Toyota et VW pour dessiner et produire des EV partageables. Un des groupes les plus avancés, Lynk (JV entre Volvo et Geely) veut permettre à l’acheteur d’une de leurs voitures, de la louer via smartphone, au lieu de la laisser au parking. Un business modèle démarre, qui devrait rendre les rues et routes chinoises méconnaissables…

Une priorité essentielle de l’Etat en 2019, est la relance de l’économie. Les « 6,4% » de croissance  déclarés au 4ème trimestre 2018, ont du mal à convaincre Quel est le vrai chiffre ? 1,67% selon l’économiste Xiang Songzuo. Une sortie du conflit sino-américain et des mesures sérieuses de relance seraient nécessaires.

Pour l’instant, l’Etat soutient les banques, baissant leur taux de réserve et les priant d’acheminer les crédits libérés vers les PME privées. La Banque Centrale s’achemine aussi vers la libération d’obligations ouvertes (sans terme). Le 17 janvier, la Banque de Chine reçoit le feu vert à 5,9 milliards de $ de titres. Mais restent des doutes sur sa capacité à trouver acquéreurs. Car en cas de défaut, les titulaires de tels titres ne sont pas prioritaires. Le risque est plus élevé, pour un intérêt probablement fixé à 7% – peu intéressant…

En outre, Pékin recourt à d’autres moyens classiques de soutien à la croissance, les grands chantiers.  Xi Jinping se rendait le 16 janvier sur le site de à Xiong’an à 100km de Pékin, et le plan directeur de la « Greater Bay Area » Canton-Macao-Hong Kong est publié. Mais le pouvoir s’interdit d’arroser son économie d’un grand « stimulus », qui irait à l’encontre du besoin de désendetter provinces et conglomérats.

Aussi les patrons de groupes listés en bourse se dépêchent de déplacer leurs usines vers l’étranger, comme le Vietnam. Pour contourner la grande muraille d’argent contre l’export massif de capitaux, ils procèdent par envois fractionnés, via leurs holdings à Hong Kong et Singapour. C’est pour eux leur meilleure garantie de survie, sauvegardant leurs marchés américains tout en s’épargnant la lourde taxation chinoise.

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1 Commentaire
  1. severy

    Ces patrons qui se dépêchent de faire sortir leurs capitaux avant que le grand navire de l’économie plannifiée rencontre son iceberg, ça évoque plutôt l’année du rat, mon cochon.

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