Petit Peuple : Jianliang, policier un jour, policier toujours

A 44 ans, Huang Jianliang n’a pas réalisé son rêve d’enfance: devenir policier avec pistolet, casquette et autres signes de force protectrice dont manqua sa jeunesse, privé de père et de bien-être, sous le pauvre ciel de Guiyang (Guizhou).

En 1993, il avait quasi-réussi, venant d’obtenir à 27 ans, son concours de police. Et voilà qu’un pied dans la porte, il abandonne: la santé de sa mère vient de se dégrader, et pour la sauver, il faut plus d’argent que n’offrirait le grade d’agent débutant : la mort dans l’âme, il embrasse alors une carrière plus lucrative, comme chef-vigile d’une usine d’Etat. Sa paie de 1150 ¥ (un pactole, en 1993) lui permet même de convoler avec une jolie fille, comptable de son entreprise.

Tout irait au mieux dans le meilleur des mondes, si sa firme mal gérée ne se mettait à péricliter et la province, à se fatiguer d’éponger ses ardoises. Mis à pied en 2000, Huang et sa belle renouent avec la précarité, qu’ils avaient oubliée depuis belle lurette: au chômage, étranglés par les frais incontournables de l’école du fils et des soins de la mère.

Comme lot de consolation, il obtient une place d’adjoint de sécurité à la police municipale de Guiyang. Un travail de 2d rang, pour Huang qui était chef, mais il est consciencieux et s’en acquitte à la satisfaction générale. Jusqu’à ce jour du 13 décembre 2008, où de garde, il reçoit cet appel d’un indicateur : au « Grand riche », restau de quartier, déjeune un homme qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Xue Jun, suspect d’assassinat, en cavale. Huang a passé le tuyau au commissaire Lu. Mais par hasard, à ce moment-là au poste, c’est le «coup de feu»: aucun agent disponible ! Lu s’y rend donc lui-même, avec le seul policier qui lui reste et… Huang en soutien, en civil, supposé rester passif. Il n’a pas deviné que ravi de l’aubaine, Huang vient de décider de s’y couvrir de gloire.

Sur place tout de suite, les choses dérapent. Xue Jun (car c’est bien lui) n’est pas né de la dernière pluie. Voyant le trio s’approcher, il sort une arme de poing et agrippe sa voisine en criant:  »N’approchez pas, où je tire!» Rien ne l’attendrit, ni les larmes de la pauvrette, ni les appels à la raison des flics qui, pour éviter le pire, cessent de le mettre en joue, attendant les renforts: chacun campe sur ses positions.

Mais voilà le grain de sable qui va enrayer tout le scénario: sortant de la retraite où il se cantonnait, Jianliang s’est avancé soudain, et sort de sa poche un pistolet, hurlant d’une voix de stentor:  »Lâche-la maintenant ou c’est moi qui te butte!» Stupéfaction générale, surtout des policiers qui n’avaient pas idée que leur sous-fifre puisse être armé. N’ayant rien à perdre, Xue Jun s’écrie: «C‘est toi qui lâche ton flingue, ou à ‘trois’, la fille est morte ». Jianliang obtempère avec une docilité peut-être un peu suspecte. Il jette l’arme aux pieds du malfrat, qui rigole en le ramassant : « Voilà qui est tellement mieux -figure toi, le mien était faux. Maintenant, j’ai le vrai : j’me casse avec la fille, salut la compagnie». Sur quoi Huang saute sur lui : Xue Jun tire. Le revolver fait un pet rigolo, sur l’air immortel de  »Happy birthday to you », et une seconde après, Huang l’a terrassé d’une clé à l’épaule, souvenir opportun de son temps à l’armée.

Après avoir passé les menottes au bandit malchanceux, Lu le commissaire s’éponge le front, en commentant : « chapeau, mec. Tu nous as fait peur, mais tu as réussi un bon ‘反客为主 fǎn kè wéi zhǔ» -ruse célèbre où ‘l’hôte se substitue au maître‘, et où le civil se métamorphose sans crier gare en commando de choc. Deux jours après, pour ses hauts faits, Jianliang reçoit une enveloppe écarlate matelassée de 30.000¥, sur la caisse noire de la maison. Mais pour tout dire, l’argent n’est rien par rapport à son espoir secret : pour son acte de bravoure compétente, se voir intégré au cadre policier, comblant ainsi, sur le tard, son rêve de toujours !

 

 

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