« Nous ne promettons pas de renoncer au recours à la force » : c’est sans mâcher ses mots que le 2 janvier, Xi Jinping a averti Taiwan d’accélérer le retour à la mère patrie—c’était à l’occasion de l’anniversaire du « Message aux compatriotes taïwanais » prônant la fin des hostilités militaires en 1979. Faussement conciliant, Xi voulait bien « tout mettre sur la table » avec les insulaires séparatistes, à condition qu’ils acceptent le postulat préalable d’une Chine unique. Il ne fallut que quelques heures à Tsai Ing-wen la Présidente de l’île, pour balayer le semi-ultimatum. Tsai refusait à nouveau le principe de réunification exigé par Pékin, « un pays, deux systèmes », déjà appliqué à Hong Kong.
Indépendant de facto depuis 1945, Taiwan fut considérée par Mao et ses successeurs comme une province rebelle. À ses débuts, la Chine tenta de la reprendre par les armes—mais depuis 1953, les canons se sont tus. Aussi, le ton menaçant de Xi constitue une escalade sur le langage tenu depuis 15 ans.
Pourquoi cette obsession au rattachement, alors que la Chine vit depuis 70 ans en paix avec Taiwan, sans sembler souffrir de sa liberté ?
Historiquement, Taiwan n’a été chinoise que par intermittence, et ne l’est plus depuis 130 ans. Mise à part sa langue chinoise, son appartenance à la Chine n’est pas démontrée. Mais elle représente un symbole : la conquête donnerait au régime, aux yeux du peuple, un brevet de patriotisme !
La menace militaire doit être prise au sérieux, du fait de l’effort chinois pour bâtir une armada capable de prendre une île armée jusqu’aux dents, à 140 km de ses côtes. La flotte de l’APL compte deux porte-avions (dont le second toujours en essais), nombre de croiseurs, destroyers, frégates, porte hélicoptères, sous-marins (nucléaires ou conventionnels). En 4 ans, l’armée chinoise s’est enrichie de l’équivalent d’une flotte militaire française. Son objectif officiel cette année est de « se préparer à une guerre ». En 2018, les forces taïwanaises estimaient que Pékin pourrait « dès 2020 » les vaincre. Mais cela est sans compter la présence des Etats-Unis, avec leur 6ème flotte d’Okinawa, contre laquelle l’APL ne fait pas encore le poids. Depuis Washington, Trump renouvelle une loi de défense de l’Asie, qui vient renforcer l’engagement constitutionnel américain de soutien à Taiwan.
Dans ces conditions, la menace de Xi, à ce stade, ne peut guère s’apparenter à plus qu’à une tentative de trouver la faille. En mars 2018, Xi s’est doté d’un autre atout pour réaliser sa promesse d’être l’homme qui reprendra Taiwan : en obtenant du Parlement, par réforme constitutionnelle, son maintien à la tête de l’Etat au-delà de deux quinquennats.
Enfin, une sortie honorable du bras de fer pourrait par exemple être la promesse à Taiwan d’un siècle d’indépendance totale, en échange de son passage sous le drapeau écarlate.
1 Commentaire
severy
6 janvier 2019 à 15:54Soyons clair, « la République de Chine à Taiwan n’acceptera la réunification que lorsque le Parti communiste se sera sabordé ou aura été recraché par la Chine* ». On ne pose pas une bague sur une béquille.
* KMT dixit.