Toujours plus de pays doutent des projets BRI en cours de réalisation par la Chine depuis 2013, qu’ils doivent commencer à rembourser.
Au Pakistan, la Chine compte investir 62 milliards de $ en infrastructures dans le cadre du Corridor économique sino-pakistanais (CPEC), clef de voûte de l’initiative BRI. 22 projets ont déjà été réalisés ou sont en cours de construction pour une somme de 18,9 milliards de $, dont le port de Gwadar sur l’océan Indien. Mais il y a confusion sur le montant de la dette. La presse pakistanaise avançait le chiffre de 40 milliards de $, mais pour l’Etat, Islamabad ne devrait que 6 milliards à Pékin. Pour autant, face à l’Inde, pas question de laisser l’alliance se fissurer : pour renflouer une trésorerie pakistanaise précaire, Pékin lui concède encore 2 milliards de $ de liquidités. Ce conflit reflète des doutes sur le rapport « viabilité/prix » des projets, et pas seulement au Pakistan.
Fin décembre au Kenya, l’auditeur général Edward Ouko craignait de voir le port de Mombasa saisi pour dettes de la ligne ferrée Mombasa-Nairobi, construite pour 2,2 milliards de $. À l’unisson avec le Président Kenyatta, Pékin démentait. Mais ces craintes ne sont pas infondées : à 9,8 milliards de $, la dette chinoise du Kenya est la 3ème d’Afrique et fin 2017, le Sri Lanka s’était vu priver pour 99 ans du port d’Hambantota, pour défaut d’une dette de 8 milliards de $. Ainsi Pékin héritait d’un port sur une route maritime des plus fréquentées au monde.
En Asie du Sud-Est aussi, la confiance recule. En Malaisie, le 1er ministre M. Mohamad, 93 ans, suspendait l’été dernier les travaux de la East Coast Rail Link (ECRL), ligne ferrée de la frontière thaïe jusqu’au détroit de Malacca (cf carte), à 19,3 milliards de $. Le 31 décembre, il se radoucissait : le projet ira à terme, « sous réserve d’accord chinois », moyennant une réduction des coûts, telle la prime au constructeur en cas d’achèvement avant la date limite. Toute l’affaire a débuté au retour de Mohamad, réélu en mai par un électorat soucieux de voir la fin des énormes bakchichs de corruption. Dans divers pays receveurs de projets BRI, ce scénario est l’élément récurrent, déclencheur des renégociations.
En Russie-même, le projet de TGV Moscou-Kazan, 700km pour 25 milliards de $, a du plomb dans l’aile. A. Siluanov, ministre des Finances exprime un diplomatique scepticisme sur la faisabilité du projet, alléguant l’existence de liaisons aériennes et d’un tissu urbain défavorable, à travers une Sibérie dépeuplée. L’argument peut avoir une composante politique inavouée : Moscou ne veut pas s’endetter envers Pékin. De mauvaise augure pour le projet complet, Pékin-Moscou en 7000 kilomètres et « 48h ». Par Liu Zhifan
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Sommaire N° 1 (2019)