A Pékin les 9-10 Octobre, Jacques Chirac, Président de la République française, en sa 3ème visite officielle (après celles de 1997 et 2000), plaça haut la barre de l’amitié, en affirmant: «les événements de la place Tian An Men en juin ’89, c’est du passé ».
En choeur avec le chancelier Schroeder, il réitéra l’exigence de lever l’embargo de l’ Union Européenne sur les ventes d’armes, précisant que ce blocus n’était qu’une«manifestation pure et simple d’hostilité envers la Chine ». Son propos suivait celui du ministre chinois des affaires Étrangères Li Zhaoxing, voyant dans l’embargo un «manque de confiance» en son pays. Chirac déclarait que l’Europe devait «cesser d’écouter les objections des Etats-Unis », et rouvrir le marché des armes « sous quelques mois ».
Par ces propos, Paris (avec Berlin) s’affirme le plus fidèle allié de la Chine en Europe, à un moment crucial : celui, pour la RP. Chine, d’un choix d’alliances industrielles et de filières technologiques entre des blocs en concurrence, Europe, Amérique et Japon. La Chine a déjà rééquilibré sa flotte aérienne entre Airbus et Boeing. Le moment vient pour elle, de se lancer dans un programme stakhanoviste d’équipement en centrales nucléaires et de lignes TGV. Dans ce contexte, J. Chirac tente habilement de jouer la carte du David franco-européen contre les « Goliath » japonais (voisin mal aimé) et US (encombrant).
Certes, le soutien donné par la France au pouvoir chinois contre une partie de son opinion, pose problème. Ce choix va faire des remous, en France et dans le monde. D’aucuns ne manqueront pas non plus de poser la question de la rentabilité d’un tel ralliement, au vu des résultats commerciaux engrangés (cf. colonne centrale) : la critique est légitime.
Mais l’essentiel est ailleurs, dans une vision à plus long terme. Nos dirigeants peuvent estimer que le monde est aujourd’hui mûr pour une terre non plus orientée par une seule puissance influencée par ses lobbies, mais par le dialogue de continents à égalité de droit. Les soubresauts violents vécus entre Irak et Soudan, peuvent être compris comme expression d’un déséquilibre structurel dans le leadership mondial. Pour avancer vers le correctif pragmatique, des compromis doivent être faits à l’autre—possiblement désagréables, mais néanmoins dignes.
Dans ce contexte, le fait d’une France « à la mode » en Chine, populaire dans la rue et écoutée à Zhongnanhai, ne peut être qu’un atout!
Sommaire N° 32