Petit Peuple : Qinghai: art des villes, rat des champs

— Vivre en province pauvre, ne force pas à être aveugle à l’art : au Qinghai, Liu Bing, comptable, collectait les souches, dont il créait des paysages lunaires en jouant sur les racines, la loupe, les noeuds et l’aubier.

En 2003, Liu guigna un bout de prunier chez Laogeng, fermier, qui le lui offrit, pour 20¥. Alors, l’homme de la ville cisela, sculpta, ponça tout son saoul : en 2 jours, Rêve de l’aube, son chef-d’oeuvre était là !

A l’exposition de Xining, on se pressa pour la voir. Les flashes crépitèrent, suivis des projecteurs de TV. Les cancans fusèrent, quand «Rêve» partit à un marchand d’art coréen, pour le pactole mirifique de 100.000¥! Les choses dérapèrent alors ! Tournant son chapeau dans ses mains, Laogeng visita Liu un soir, muet comme une carpe, avalant moultes coupes, fumant sans dire un traître mot. Au bout d’1heure, Liu était dans le brouillard, 一头雾水, yi tou wu shui, quand le paysan émit sa plainte : « Quand même, 100.000¥!»

L’artiste comprit vite: C’est bon, tu es pauvre, je vais te payer! Combien? –10.000!, fit Liu, se croyant généreux. L’autre éclata de rire : il voulait la moitié! Et comme Liu refusait, il l’assigna en justice -fut débouté! Mauvais perdant, Laogeng prit les 10.000¥ que Liu lui laissait, bon prince – mais garda sa colère.

Depuis, plus la peine pour Liu de se montrer à Xingshan. Laogeng (et tout le village) préfèrent brûler leurs souches. Faute d’avoir saisi la différence entre l’art, et le bois à brûler!

 

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
10 de Votes
Ecrire un commentaire