Editorial : Chine – USA, la guerre des trois paniers

Depuis mai, la guerre commerciale entre Donald Trump et la Chine s’enlise. Après avoir lancé les hostilités, Trump choisit « l’inaction », (wéi , concept taoïste), tablant sur l’effritement du camp d’en face. Le 27 août, il déclare : « les Chinois veulent parler, mais ce n’est pas le moment ». Côté Chine, on n’est guère plus empressé, selon cet expert : « emmêlé dans ses scandales intérieurs à rallonge, Trump doit parer en faisant ligne dure vers l’extérieur… Pour la Chine, le temps n’est pas propice aux concessions, il s’agit au contraire de consolider ses vulnérabilités économiques, surtout en matière de crédit ».

C’est ce que fait son ministère des Finances le 27 août, en allouant 200 milliards de $ aux provinces pour leurs infrastructures, dont la croissance a baissé à  +7% de janvier à juillet contre +19% en 2017. Ceci est en fait un compromis entre Etat et niveau local : la veille, ce ministère s’était vu refuser par la tutelle CBIRC un stimulus de 438 milliards de $, qui serait provenu des 20% de provisions bancaires sur toute obligation des provinces. De même, l’Etat poursuit la chasse aux prêteurs « P2P » sur internet, mal régulés et mal contrôlés : rien qu’en juillet, 167 de ces banques de l’ombre ont disparu. Le message est clair : relancer le crédit oui, mais en prévenant les investissements dangereux.

La Chine ne cédant rien à Trump, la prochaine salve de rétorsions semble inévitable : de nouvelles taxes  sur 200 milliards de $ d’exports chinois dès début septembre, voire une révocation par Trump du statut « de nation la plus favorisée », permettant d’alourdir encore les tarifs douaniers US!

Dans cette attente, les milieux d’affaires restent tétanisés : depuis janvier, les provinces n’ont émis que 792 milliards de ¥ des obligations auxquelles elles avaient droit (36% du quota annuel)—une misère. Quant aux promoteurs immobiliers, ils ont boudé les adjudications foncières – 226 lots n’ont pas trouvé preneur ! Hier chouchous de la bourse de New York, les start-up high-tech chinoises chutent, tel ZTE (-60% cette année) : les investisseurs redoutant de voir leurs produits interdits sur sol américain…

De manière presque poétique, en référence au « tripitaka » (cet ensemble de trois paniers de livres sacrés que le moine Xuanzang avait rapporté de son « voyage à l’Ouest » en Inde), Pékin a opté pour classer les nombreuses exigences de Trump en trois « paniers » . Le premier traitant des demandes de réduction du déficit américain, le second, de celles d’ouverture du marché chinois des services, et le troisième—de loin le plus problématique pour la Chine-, des demandes de démantèlement du protectionnisme chinois sur ses industries d’avenir, du plan « made in China 2025 », et des acquisitions forcées de technologies occidentales. Cet « encapsulage » des données du conflit dans une coquille de culture antique chinoise, suggère chez les décideurs du pays, une certitude de leur bon droit historique.

Face à ce conflit, l’Europe elle aussi bouge. Berlin change ses règles pour barrer les rachats de ses pépites technologiques par la Chine. Pour toute entreprise « de sécurité nationale », elle les limite à 15% du capital. En mai, le Parlement européen a voté un mécanisme similaire, prêt à entrer en action en décembre dans les 28 Etats membres. Pékin s’inquiète : pour l’heure l’intransigeance de Trump a empêché Europe et USA de faire cause commune. Mais que ces deux s’entendent, et la position chinoise se précarisera! La Chine tente de trouver une concession à offrir à Bruxelles, qui ne soit pas ce que Washington réclame… Pour l’instant, elle a fait chou blanc, refusant de changer quoi que ce soit aux recettes qui lui ont si bien réussi en 30 ans. Dernier élément : à Pékin le 28 août, lors d’une réunion annuelle à huis clos du fonds souverain CIC, le vice-premier Liu He et J. Thornton, proche de Trump, continuaient à discuter, s’efforçant de réduire les tensions…

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