Vins et spiritueux : Scoumoune dans le Bordelais

Scoumoune dans le Bordelais

Tempête sur les châteaux bordelais ! Le 29 juin, l’OCRGDF, office français pour la répression de la grande délinquance financière, annonçait la saisie au second trimestre, de 10 châteaux du Libournais, propriétés du groupe Haichang de Dalian (Liaoning), dirigé par le tycoon Qu Naijie. 14 autres domaines de Haichang sont épargnés—ceux qui sont pour l’instant fiscalement en règle. Quatre ans d’enquête avec la police judiciaire, sans doute en liaison discrète avec Pékin, ont déterré une série de montages douteux, blanchiment de fraudes fiscales, escroquerie, transactions entre firmes françaises et offshores sans liens commerciaux, un prêt de 30 millions d’€ par l’agence parisienne d’ICBC sur base de documents falsifiés.

Dès 2014, le bureau national chinois d’audit signalait le détournement par Haichang de 43 millions d’€ qui avaient été alloués par l’Etat pour « achat de biens technologiques » à l’étranger. Dès 2017 en France, le personnel d’un château chinois du Bordelais dénonçait des mois de retards de salaires, et le silence radio du propriétaire. Faute d’instructions, les vignes n’étaient pas taillées, la vendange n’était pas faite, et le vin du millésime précédent dormait dans les cuves pleines, non embouteillé…

Les 24 châteaux avaient été acquis pour 55 millions d’€ entre 2010 et 2013, produisant 2 millions de bouteilles, exportées vers le marché chinois. Haichang, au départ firme d’affaires et de transports maritimes,  touchait aussi à l’immobilier, au tourisme et à l’agriculture.

Les données manquent pour décrypter ce scandale, mais on ne peut que relever la convergence de lieu (Dalian) et d’époque (début des années 2010) entre Haichang, firme provinciale du Liaoning, et Bo Xilai qui fut secrétaire du Parti dans la ville, puis pour la province. Durant son mandat, rien de ce qui ne se faisait à Dalian, n’avait lieu sans son accord—et Bo était le rival n°1 de Xi Jinping, dans la course au pouvoir. Une fois Xi Président, il a commencé à détricoter les grandes fortunes privées, seigneurs de province enrichis sous la protection de ses prédécesseurs.

Dès les années 2010, l’Etat français avait commencé à coopérer avec la Chine sur les cas d’évasion de fonds chinois sur son sol. Dans cette coopération, la justice française avance avec prudence : elle ne doit jamais se retrouver impliquée dans des affaires douteuses sous l’angle des droits de l’homme, mais elle doit aider le cas échéant l’Etat chinois à récupérer les actifs volés. Le gouvernement français peut y trouver un puissant incitatif : de telles saisies se soldent invariablement par une liquidation, puis par un partage entre les deux gouvernement – affaire lucrative !

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