À Shanghai, le terminal de Yangshan est l’orgueil de ce premier port mondial, capable de traiter 750 millions de tonnes de vrac par an et 40 millions de conteneurs. On accède à Yangshan par une autoroute sur piles de 32km : bâti sur des îlots arasés, le port assure un tirant d’eau de 15m, capable de recevoir les plus imposants bâtiments.
En particulier, depuis décembre 2017, le terminal n°4 offre au visiteur le spectacle hallucinant d’un port fantôme : ponts-grues se déplacent sans grutiers, stoppant droit au dessus du conteneur pour le saisir du bout de leurs mâchoires, les faire évoluer par la voie des airs pour les reposer délicatement sur le pont du navire. Pas un docker à l’horizon : tout est piloté par la batterie d’ordinateurs de la tour de contrôle. Ce terminal aux 2,6km d’appontement compte 26 grues lourdes, 120 ponts-grues, 130 camions autonomes. Leur ballet coordonné permet de traiter plus de navires, en réduisant leur temps d’immobilisation. Ce système à intelligence artificielle renforce également la sécurité, éliminant les accidents liés à l’erreur humaine. Il réduit aussi la pollution de 10%.
La vague d’économie et d’automatisation touche aussi les navires, sous l’effort des armateurs. Battant le pavillon français de CMA-CGM, le porte-conteneurs Theodore Roosevelt peut charger 10.500 « boites »—ce qui le classe dans la catégorie des géants des mer. D’une superficie supérieure à quatre terrains de football, le navire est déjà tellement informatisé, robotisé que 26 hommes suffisent à le manœuvrer. L’équipage est ukrainien et russe pour le commandement, philippin pour les matelots. Au poste de pilotage, une icône d’un saint russe protège le bâtiment, lui promet l’arrivée à bon port.
CMA-CGM, qui renforce ses liens avec l’armateur chinois Cosco, vient de commander en Chine neuf bâtiments d’une capacité double (22.000 « boites » de 40 pieds). Sous l’angle environnemental, ils seront plus performants, en divisant par deux le nombre de moteurs en circulation par nombre de conteneurs transportés. Surtout, ce moteur va passer à une propulsion au gaz de nouvelle génération, évitant ainsi le rejet dans l’atmosphère de carbone et de soufre.
Ayant ouvert son premier bureau en Chine en 1992, CMA-CGM entretient sur place 3200 emplois, et assure 88 lignes entre 16 ports du pays. Toutes les trois heures, un cargo battant son pavillon, largue les amarres de Chine !
Sommaire N° 26-27 (2018)