Agée de 18 ans, l’Organisation de Coopération de Shanghai (SCO), d’un formalisme un rien aride, n’attire pas les foules, faute d’y voir quelque événement notable se produire.
A l’origine, la SCO avait été conçue par la Chine et la Russie pour encadrer quatre Républiques d’Asie Centrale (Ouzbékistan, Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan) et les aider à combattre les fièvres intégristes et sécessionnistes venues de Syrie et d’Afghanistan.
Cependant suite à sa 18ème session plénière à Qingdao (9-10 juin), cette alliance change d’image : le faste déployé à cette occasion par la cité portuaire du Shandong, et l’unité affichée par ses membres lui ont donné bonne figure, face à l’autre meeting du G7 près de Québec (Canada), qui s’achevait au même moment dans le tumulte sous les coups de boutoir d’un D. Trump résolu à démolir toute forme de coopération multilatérale.
« Pour l’événement, la métropole de 9 millions d’âmes avait retoqué son décor pour 2 milliards de $, sans regarder à la dépense », notait Olivier Baleix, représentant de la CCIFC à Qingdao. Il ne lui avait fallu que six mois pour faire faire peau neuve à sa marina olympique, substituant d’un coup de baguette magique un complexe commercial encore neuf (datant de 2011) par un centre de presse, futur Palais des Congrès, aux frais de Haier, le conglomérat industriel de la ville. La City de Qingdao CBD était mise en perce pour recevoir des adductions d’eau, de gaz, de fibre optique…
Au plan sécuritaire, la ville était sous haute surveillance, avec multiples points de contrôles d’identité, les habitants invités à prendre des vacances (ou à se terrer chez eux, rideaux tirés) tandis que les livreurs d’eau potable étaient forcés à cesser leur distribution durant une semaine. Le soir du gala, Qingdao s’illuminait sous les feux d’artifices à travers la baie, sous des splendeurs inédites dans son histoire.
Il faut dire que Qingdao avait la lourde tâche de recevoir les gouvernants de 40% de l’humanité et 20% du PIB mondial. Deux nouveaux membres (depuis 2017), Inde et Pakistan, 4 membres observateurs dont l’Iran, et 6 partenaires de dialogue, faisaient de la SCO un nouveau poids lourd mondial, arrimant à la Chine la quasi-totalité de l’ex-empire soviétique, du sous-continent indien, du Golfe persique et les franges de l’Europe.
Premier résultat : on a vu s’assouplir le couple Inde/Pakistan, d’ordinaire peu prêt aux concessions. Sous les regards de 26 autres pays membres ou invités, les deux pays se trouvaient soudain davantage à l’écoute. Certes, le Président indien Modi maintenait à Qingdao son rejet à la stratégie BRI des « routes de la soie ». Mais il approuve soudain les projets chinois de connectivité au couloir économique Chine-Pakistan (CPEC) via la partie pakistanaise du Cachemire, que New Delhi revendique toujours, « à condition que les projets soient inclusifs, transparents et respectueux de la souveraineté…». Face à l’Inde, la Chine de son côté s’est engagée à communiquer sur ses projets de barrages sur le Brahmapoutre, fleuve nourricier d’Asie du Sud-Est.
L’Iran, observateur, n’a pas été inclus comme membre, mais son adhésion est inéluctable : Trump est en train d’arracher l’Iran (comme d’autres) à l’attraction euro-américaine et de le jeter dans les bras de la Chine et de la Russie.
Le temps fort de la rencontre a été l’approfondissement de l’alliance sino-russe, soudée par l’amitié personnelle de leurs leaders Poutine-Xi Jinping. Le Président chinois n’a épargné aucun effort pour montrer au monde la solidité du lien, citant Poutine comme son « meilleur ami » et lui réservant à la TV la première « médaille chinoise de l’amitié ».
Dans le passé pourtant, même dans le cadre de la SCO, Pékin n’avait soutenu Moscou ni dans sa frappe sur la Géorgie (2008), ni sur celle de la Crimée (2014), ni sur son intervention en Syrie (2015). Moscou de son côté, se méfie du plan BRI en Asie Centrale, qu’il considère toujours comme sa chasse gardée.
Ce malaise quant à l’influence chinoise sur cette région d’Asie Centrale, peut expliquer la modestie de la dotation chinoise, 4,7 milliards de $ seulement, confiés à un consortium interbancaire géré par la SCO pour des projets d’équipements. On a vu mieux…Xi donnait néanmoins rendez-vous à ses partenaires lors de la nouvelle foire BRI dont la séance inaugurale est pour novembre à Shanghai.
Néanmoins, en bilatéral, Poutine et Xi ont signé le plus grand projet nucléaire jamais réalisé par la Chine avec le monde extérieur. Quatre centrales nucléaires de Rosatom (capacité d’1,2GW, prix de 3,62 milliards de $, modèles VVER de 3ème génération) représentent la plus grosse commande de centrales en Chine en 10 ans, et deux d’entre elles sur le site de Xudaobao (Jiangsu) vont se substituer aux projets américains d’AP1000 qui y étaient initialement pressentis. Les réacteurs seront russes, les turbines chinoises. Autant dire que sur cette filière, la Russie a le vent en poupe !
La Russie s’engage aussi à aider la Chine à maîtriser sa technologie du surgénérateur, et va lui fournir des composants nucléaires thermoélectriques conçus pour fonctionner sur la Lune, en vue d’une exploration conjointe du satellite de la Terre. L’ampleur totale potentielle de ces contrats nucléaires atteindrait 15,38 milliards de $. C’est un pas peut-être définitif, dans le partenariat nucléaire chinois.
1 Commentaire
severy
16 juin 2018 à 18:31Bref, la Russie promet la lune à la Chine. Pas étonnant dès lors que la coopération commerciale entre les deux pays aille croissant.
La Russie, vastes territoires, population en chute libre, verrait-elle son avenir sous le gant de fer de la coopération chinois? Elle ferait mieux de se rapprocher d’urgence d’une union européenne en manque d’ambition. Allons, Messieurs les Russes, quelques petites concessions et on vous accepterait dans notre giron rien que pour faire la nique aux Américains qui nous harrassent et aux Chinois qui nous volent.