Le Vent de la Chine Numéro 23 (2018)
L’appel interjeté (30 mai) par Wu Xiaohui, patron fondateur des assurances Anbang, à sa condamnation à 18 ans de prison, en a surpris plus d’un ! C’était un geste rare dans le monde judiciaire chinois, plus rare encore chez un homme venant de plaider coupable et d’implorer la clémence. Vu l’ampleur de la fraude imputée (62 milliards de ¥), son verdict pouvait pourtant être considéré comme « clément » : à trois semaines d’écart, Sun Zhengcai l’ex-« roi » de Chongqing, venait d’écoper de la perpétuité pour détournement de beaucoup moins d’argent que cela…
Mais certains estiment que Wu aurait décidé de faire appel de sa condamnation, car il serait soutenu par une fraction de décideurs politiques. D’autres y voient une contestation au sein de l’appareil sur un sujet beaucoup plus large et essentiel : la gouvernance à observer vis-à-vis du secteur privé, de ses plus grands groupes, comme Anbang, depuis deux ans confrontés à des jours difficiles. La raison de ce mauvais vouloir envers les « nouveaux capitalistes », tient notoirement à leur expansion à l’étranger en dépit des consignes, et à leur propension à exfiltrer leur fortune. Plus que d’une rébellion contre Xi Jinping, ils se rendaient coupables d’une action incivique (rappelant, sur un autre plan, la fraude fiscale imputée à la star de cinéma Fan Bingbing) et mettaient à risque l’économie chinoise.
Pour autant, ces groupes privés sont aussi la pierre angulaire de cette Chine qui gagne, garants en 2017 de 80% des créations d’emplois, de 70% des innovations et de 60% de la croissance du PIB—quoique leurs consortia ne reçoivent qu’une minuscule pincée de la manne bancaire. L’immense majorité du crédit étant réservé par le régime aux consortia publics malgré leur plus faible rentabilité. Selon un bureau d’analyse britannique, une telle discrimination devrait conduire sur 12 ans à une chute brutale de la croissance nationale de 6,9% en 2017 à 2% en 2030. C’est ce qui fait hésiter l’aile libérale du Parti dans la poursuite de cette campagne contre les grands groupes privés—voilà ce qui fait reprendre courage à Wu Xiaohui !
D’autres petits signaux du changement perceptible, apparaissent. Zhang Wenzhong (cf photo), ex-PDG des supermarchés Wumart, est absous (31 mai) par la Cour suprême des charges de fraude qui pesaient contre lui. Son verdict de 2006 est cassé, ce qui est inouï en justice chinoise. Les commentateurs judiciaires expliquent que le régime a voulu rassurer le secteur privé sur la protection de ses actifs. Reste à voir ce que valent les 12 années de prison qu’a effectivement purgées cet homme déclaré innocent—les deux-tiers de sa peine.
Autre petit miracle qui n’en est peut- être pas un : Pan Gang, 48 ans, patron du groupe laitier Yili (n°2 du pays) resurgissait après trois mois de disparition – la rumeur le disait sous enquête. Yili explique bravement que son PDG était parti se faire soigner à l’étranger pour une faiblesse cardiaque. A sa réapparition, le groupe remontait de 10% en bourse de Shanghai !
Quant à Xiao Jianhua, le milliardaire à la tête de son groupe Tomorrow enlevé à Hong Kong en janvier 2017 par des forces spéciales, et qui depuis attend son passage au tribunal, on ne s’étonnera guère que son procès soit retardé par des « difficultés techniques » impromptues. Chaque mois, le groupe en perdition, sous tutelle de l’Etat, doit s’alléger de dizaines de milliards de $ pour rembourser ses emprunts bancaires…
Autant dire que nonobstant les professions de foi étatiques, il passera de l’eau sous les ponts chinois, avant d’arriver à une parité de protection entre secteur privé et secteur public. L’Etat, pragmatique, prend la mesure des risques impliqués par son choix de privilégier le public. Pour l’instant, il ne va pas plus loin et en reste sur une incertitude croissante.
Après des négociations plutôt positives pour épargner à leurs pays les affres d’une guerre commerciale, Chine et USA sont retombés le 3 juin à Pékin dans l’antagonisme lors de leur 3ème ronde de palabres.
Suivant les consignes du Président D. Trump, les exigences américaines, portées par le Secrétaire au Commerce W. Ross, demeuraient intangibles, tout comme la menace de taxer les exportations chinoises à hauteur de 50 milliards de $.
Détail révélateur, il manquait au sein de l’équipe américaine tout membre de l’US Trade Representative, l’organe fédéral chargé d’appliquer les sanctions éventuelles.
En vain, Liu He, l’homme de Xi Jinping, promettait l’achat de 70 milliards de $ de gaz, soja, coton, maïs et autres produits américains…
Ross donnait aux Chinois jusqu’au 15 juillet pour obtempérer, avant la mise en place des rétorsions. Liu He menaçait à son tour : si les Etats-Unis passaient à l’action, toutes les concessions chinoises seraient non avenues !
La pierre d’achoppement était le plan « made in China 2025 », mécanisme pensé, d’après l’institut allemand Mercator, pour forcer l’étranger opérant en Chine à remettre leurs secrets industriels, avant de les faire exploiter par l’industrie locale. Washington est déterminé à forcer le retrait du plan. Mais pour l’instant, Pékin ne veut pas même en discuter.
Mais la Maison Blanche se garde de ne rien faire d’irrévocable— comme si Trump, tout en gardant l’objectif, voulait prévoir un temps de réflexion aux partenaires. Les USA soupçonnent qu’une petite fraction du leadership chinoise serait favorable au principe d’une ouverture du marché intérieur (services, finance, commandes publiques), au nom de la compétitivité et de l’équilibre des échanges commerciaux. Parmi ces personnalités, pragmatiques et modérées, figurerait Liu He en personne…Aussi l’état-major de Trump garde une attitude ambigüe, soufflant le chaud et le froid.
En témoigne le cas ZTE, dangereux brûlot entre les deux pays : le 6 juin, un compromis était signé avec le groupe de Shenzhen, qui devrait lui éviter 7 années d’interdiction de se fournir sur le marché américain, pour avoir enfreint l’embargo de l’ONU sur la Corée du Nord et l’Iran.
L’amende à payer est salée : 1,4 milliard de $, en plus d’un droit aux inspecteurs américains de visiter en tout temps toute implantation ZTE pour vérifier l’usage (conforme aux accords) des semi-conducteurs américains, et le remplacement sous 30 jours du conseil de directeurs et de l’équipe dirigeante. A ce prix, ZTE est sauvé.
Même jeu ambigu vis-à-vis de Taiwan : il s’agit pour Washington de contrer la campagne chinoise qui bat son plein (manœuvres autour de l’île, transfert de deux ambassades à Pékin – République Dominicaine et Burkina Faso – en un mois) pour tenter de « casser » l’île rebelle. Mais en soutenant l’allié formosan, Trump veut éviter de provoquer Pékin en avançant « un pont trop loin ». Le Pentagone prépare ainsi le passage d’ « un ou plusieurs » navires de guerre au détroit de Taiwan, le département d’Etat inaugurera le 12 juin à Taipei les nouveaux bureaux de son « ambassade » de facto. Mais il n’y enverra aucun représentant officiel. Et c’est au contraire à Pékin que Jim Mattis le Secrétaire à la Défense, va faire une visite destinée à donner de la face.
La Chine joue au même jeu de clair-obscur, de concessions aussitôt contrées par des rodomontades. Sentant le choc qu’a causé à travers les capitales son récent armement balistique de trois atolls pris en mer de Chine du Sud, Pékin retire ses missiles (provisoirement sans doute). Elle annonce aussi une hausse de ses quotas de coton, 3ème marché à l’export pour les USA, et promet que même en cas de conflit, elle ne revendra pas massivement ses bons du trésor, ce qui causerait l’effondrement du billet vert. Par contre, elle ose imposer à toute compagnie aérienne l’obligation de spécifier aux voyageurs que Taiwan « fait bien partie de la Chine ». Trump adjure ses compagnies nationales de résister –sans grand succès…
L’Europe elle aussi, joue un jeu nuancé, se rangeant sous certains angles du côté chinois et sous d’autres, du côté américain. Bruxelles s’associe aux reproches américains envers la Chine, et se met en tête de la punir. L’UE va donc prolonger, voire renforcer une taxe sur les vélos d’importation chinoise. Elle accuse la Chine de réétiqueter ses exports via la Hongrie et la Grèce (le Pirée) pour frauder les taxes communautaires. Surtout, elle porte plainte contre la Chine devant l’OMC pour transfert forcé des technologies européennes dans le cadre du plan « made in China 2025 ». Ceci intervient au cœur d’un véritable défilé de plaintes à l’OMC : Washington a lancé la première plainte contre Pékin, laquelle a depuis lors réciproqué contre l’Amérique et l’Europe…
Tout ceci n’empêche pas Europe et Chine de préparer un nouveau rapprochement, à un degré de profondeur inégalé. Le 25 juin, le dialogue va reprendre, autour d’un « traité intégral de protection des investissements », devant renforcer ouverture et transparence des marchés. En juillet se tiendront les sommets Chine-Europe et Chine-Allemagne, consacrés à des sujets de frictions telles les surcapacités industrielles chinoises.
Entre Chine, USA et Europe, l’intensification du jeu triangulaire est inévitable, sans possibilité pour deux régions d’évincer la troisième, vu la complexité de l’économie mondialisée. Et si Trump insiste pour mener son conflit contre Europe et Chine, ces dernières réagiront naturellement en cherchant à se rapprocher.
Pour la Chine, le nouvel objectif, porté par sa tendance modérée et libérale, sera d’assurer le passage vers une économie plus concurrentielle et plus dérégulée. Elle le fera en offrant à l’Europe les compromis qu’elle ne sera plus en état d’offrir aux Etats-Unis…
Par Alex Payette, analyste politique
Après un procès-éclair de quelques heures le 28 mars, le PDG du groupe d’assurance Anbang (安邦保险集团), Wu Xiaohui (吳小暉), 51 ans, était officiellement condamné le 10 mai à 18 ans d’emprisonnement pour fraude et détournement de 12 milliards de $. Wu Xiaohui débuta son procès avec une attitude cavalière, qui ne pouvait que le mener à une condamnation, contestant toutes les charges contre lui, confiant dans ses protecteurs… Puis retournement de situation, Wu choisissait finalement de plaider coupable.
Au regard des montants incriminés, Wu encourait la prison à vie. Une peine de 18 ans peut donc paraître clémente. Pourtant, dernier rebondissement, Wu faisait appel de sa condamnation le 30 mai. Son avocat annonçait également que Wu serait représenté en appel par Li Guifang, qui fut également un des deux défenseurs de Bo Xilai lors son sulfureux procès en août 2013.
La saga Anbang avait commencé avec l’arrestation en juin 2017 de Wu Xiaohui, suite à l’enquête des services de Wang Qishan, l’ancien chef de la police interne du Parti (CCID – « jiwei »), devenu entretemps vice-Président de la RPC.
Homme de la nomenklatura et milliardaire, Wu était en guerre ouverte avec Hu Shuli, rédactrice en chef du journal Caixin et fondatrice de Caijing, l’un des magazines politiques les plus influents dans le pays. Surnommée la « femme la plus dangereuse de Chine », protégée de longue date de Wang Qishan, Hu Shuli passe pour son officieux porte-parole à travers son journal : elle mène régulièrement la chasse aux tigres financiers, comme dans l’affaire Luneng où elle exposa le rachat en sous-main, à bas prix du club de football du Shandong par un fils de Zeng Qinghong, le lieutenant de l’ex-Président Jiang Zemin.
Wu Xiaohui se croyait à l’abri du fait de son rang, étant l’époux d’une petite-fille de Deux Xiaoping. A ce titre, il était épaulé par des sommités du régime tels Wang Ruilin, secrétaire politique du « Patriarche », ou Chen Xialu, fils d’un des « grands vétérans » de l’Armée populaire de Libération (APL). Cependant face à la machine de la CCID et au dossier rassemblé contre lui par une armée d’enquêteurs, les relations de Wu ne lui furent d’aucune utilité. Wu fut arrêté, démis, et le régime entama le démantèlement, en cours, de son empire d’affaires.
Dans cette perspective, une question mérite légitimement d’être posée : serait-il possible que Ling Jihua, ex-aide de camp du Président Hu Jintao et membre de la « tuanpai », Ligue de la Jeunesse, ait entrainé Wu Xiaohui dans sa chute, par effet domino ? Anbang se trouvait détenir des parts dans la Minsheng Bank, la banque privée depuis longtemps au cœur de la controverse. Une fois arrêté et jugé en 2016, Ling Jihua aurait admis avoir corrompu Mao Xiaofeng, président de la Minsheng. Il n’aura fallu qu’un petit mois pour que Mao soit mis en examen après la chute de Ling dont l’épouse, Gu Liping, faisait partie du « club des femmes de la Minsheng » – comme celle de Sun Zhengcai, l’ex-patron de Chonqqing, et une dizaine d’autres nommées à de hauts postes dans cette banque.
Par ailleurs, certaines sources relatent qu’Anbang aurait servi de tremplin de sortie aux capitaux de certains « princes » du Parti.
Cette affaire sert donc d’avertissement à tous ces empires privés tentés par l’aventure d’une avalanche d’acquisitions hors frontières, laissant au pays une montagne de dettes.
Car cette affaire n’est que la pointe de l’iceberg. Par exemple, Wang Jianlin, patron milliardaire du groupe Wanda, aurait accepté des fonds de Bo Xilai (vieille connaissance du temps où tous deux étaient en poste au Liaoning) et de sa femme Gu Kailai. Les fonds avaient été placés dans plusieurs de ses filiales, tel le groupe Shide dont Xu Ming, le PDG de l’époque (décédé d’une attaque cardiaque en prison en 2015), passait pour le « portefeuille » de Gu Kailai.
Mais alors, pourquoi le groupe HNA (Hainan Airlines), aujourd’hui en mauvaise posture financière, n’est-il pas inquiété ? Sa protection relative serait due à un Wang Qishan ayant validé le prêt bancaire qui avait permis le « décollage » du transporteur aérien fin des années 1990, du temps où Wang présidait la Construction Bank. Cela pourrait également expliquer que Wang (également l’ancien Secrétaire du Parti à Hainan en 2002) ait été à l’origine de la nouvelle zone franche sur l’île tropicale.
On voit donc la détermination de l’alliance Xi Jinping – Wang Qishan de détruire les anciens réseaux d’influence afin d’imposer les leurs. Les nouveaux maîtres de Pékin veulent mettre un frein à l’ancienne élite économique et financière et comptent bien s’attaquer aux holdings qui refusent de se plier aux nouvelles règles. Xi veut que ces groupes repaient l’État pour services rendus. Ce faisant, l’allégeance politique des chefs d’entreprise est testée et de plus en plus mise à l’épreuve.
En ce sens, pour tout groupe étranger avant toute collaboration ou investissement avec un groupe chinois, un effort accru de « due diligence » sur ses soutiens et contacts au sommet apparait aujourd’hui plus nécessaire qu’hier. Il n’est plus seulement question de solvabilité, mais aussi de la preuve de sa loyauté envers le pouvoir.
Le 28 mai en Malaisie, le récent cabinet de Mahathir Mohamad déclarait vouloir renégocier des chantiers en dizaines de milliards de $, fleurons du plan chinois « routes de la soie » ou BRI (Belt & Road Initiative).
Début juin, d’autres nations faisaient de même. M. Nasheed, ex-Président des Maldives promet s’il est réélu en septembre, de contester les contrats signés par son prédécesseur pour 2,5 milliards de $ (un an du PIB de l’archipel). « Trop chers », dit-il, et qui imposent à la population un douloureux effort de service de la dette.
En Birmanie, le pouvoir veut renégocier le futur port de Kyaukpyu (cf photo), facturé 9 milliards de $ par Citic : prix très au-dessus du marché, et en cas de faillite du projet, la Birmanie craint d’en perdre la propriété comme il advint au Sri Lanka avec le port d’Hambantota – qui coûta 1 milliard de $ pour rester désert. C’est le second chantier chinois bloqué au pays d’Aung San Suu Kyi, après le barrage de Myitsone (2011) qui aurait coûté 6 milliards de $…
Aux Balkans, le FMI dénonce un « important nouveau créancier » au Monténégro, asséchant les finances du pays par des traites insupportables : l’Exim Bank chinoise, qui finance une autoroute trop chère vers la Serbie.
En Ethiopie, c’est la Chine-même qui donne l’alerte. Son réassureur Sinosure ne veut plus couvrir les prêts de ce pays qui en a déjà reçu 13 milliards de $ de 2005 à 2016. L’Ethiopie vit au-dessus de ses moyens, important le quadruple de ce qu’elle exporte, et croulant sous les projets non rentables, telle la ligne ferrée de fret Addis Abeba-Djibouti, notoirement sous-utilisée.
Aux Philippines, le Président R. Duterte a obtenu 24 milliards de $ pour une série de chantiers BRI. Selon la Banque Asiatique de Développement (ADB), le pays aurait besoin de 11,6 milliards par an pour les seules infrastructures les plus urgentes. Mais sur place, l’impatience grandit : les chantiers tardent à démarrer — peut-être par crainte chinoise de ne pouvoir mener à bien les projets dans un pays rongé par la corruption…
Manifestement, la Chine voit grandir un problème de modèle commercial. Une fois la première vague de chantiers BRI achevée à travers le monde, les pays-hôtes doivent y trouver leur compte. Pour l’heure, ce n’est pas le cas pour tous. Pour que son programme d’équipement se poursuive, la Chine va devoir d’urgence réviser les coûts de ses chantiers—souvent surfacturés par rapport à l’offre tierce, et acceptés uniquement en raison du financement. Elle devra aussi se montrer plus généreuse au niveau du roulement de la dette. On n’y est pas : le Sri Lanka vient d’annoncer un refus de Pékin de renégocier leur contrat-cadre sur 10 ans…
Fan Bingbing, la diva du cinéma a des ennuis depuis mai, après l’annonce de « Cell Phone 2 », son dernier film de Feng Xiaogang. Cui Yongyuan, présentateur sur le retour l’accuse d’avoir fraudé le fisc. Pour 4 jours de tournage, la star aurait empoché 10 millions d’€ dont 80% non déclarés, par double facturation (l’une publique, l’autre sous le manteau) dite « contrat yin-yang » (阴阳合同). Dès lors, le ministère des Finances fronce les sourcils et lance ses limiers (3 juin). Fan porte plainte en diffamation, Cui se rétracte mollement – mais les diables sont lâchés.
Invitée obligée du Festival de Cannes chaque année, Fan aligne 51 films champions du box-office chinois (« I am not Madame Bovary », 2016), français (« Stretch », 2011) et hollywoodien (« X-Men: Days of Future Past », 2014). Sans compter 42 séries TV. Elle est également l’égérie de maisons de mode (Ferragamo, Louis Vuitton), et depuis 2013, Forbes la classe en tête des actrices les mieux payées au monde. Bon bilan, pour une femme de 31 ans !
L’inimitié avec Cui, son détracteur, ne date pas d’hier. En 2003, le « Cell Phone 1 » montrait Fan (actrice principale) en amante d’une star de la télévision. Cui s’était senti visé et avait lancé un premier scandale, s’estimant diffamé. Quand en 2018, Feng Xiaogang annonça la sortie de son nouveau film, Cui explosa, dévoilant la fraude fiscale généralisée dans le monde du 7ème art, jusqu’alors tacitement tolérée. Mais dès lors, le ministère était contraint de s’arracher à sa léthargie bon enfant.
Le fameux « contrat yin-yang » est apparu en 2017, suite à un nouveau règlement de la SARFT, tutelle du cinéma et de la TV, qui prétendait plafonner les cachets des stars. Les studios ne pourraient verser aux acteurs plus de 40% du coût du film, et la vedette ne pourrait engranger plus de 70% des cachets.
Mais la SARFT a d’autres reproches amers à faire au cinéma chinois : elle le soupçonne de liens illicites avec les triades, parfois proches elles-mêmes de hauts dirigeants du Parti. En outre, sans remettre en cause la censure, la SARFT adresse un reproche qui semble indiscutable : l’absence d’imagination du cinéma chinois, son style vieux jeu qui l’empêche de s’exporter et de représenter le « soft power » par lequel le pouvoir rêve d’éblouir le monde…
Comment pour l’Etat tancer la diva, mais pas trop ? Lancer un avertissement au milieu cinématographique, sans aller trop loin ? On ne doute pas une seconde que le pouvoir saura trouver un juste milieu…
Résumé de la 1ère Partie : Mère de 118 enfants récupérés aux bords des routes, Li Lijuan, ex-millionnaire à Wu’an (Hebei), est depuis mai en prison pour chantage. Mais quel fut le cheminement psychologique qui convertit en escroc cette femme jusqu’alors modèle d’altruisme admirable ?
La dérive de Li Lijuan n’est en fait pas ancienne—elle remonte à 2017, confrontée à des événements ne lui ayant pas laissé le choix. « Village d’amour », son orphelinat pour enfants abandonnés était menacé de fermeture. En 2016 encore, les crédits affluaient, depuis que la province (le Hebei) l’avait sacrée « citoyenne ayant conquis le cœur du public ». Mais l’hiver dernier, le pouvoir commença à harceler les ONG, exigeant comptes annuels et certificats de conformité. L’Etat redoutait de perdre la main sur toute activité caritative exercée par des entités privées, même si ces initiatives avaient de meilleurs résultats dans la défense des plus démunis.
Chaque mois, bientôt chaque semaine, il était toujours plus difficile pour Lijuan de faire bouillir la marmite pour ses 75 bouches à nourrir. Elle avait aussi présumé de ses forces, seule pour recruter et former son personnel, pour cajoler et consoler des douzaines de mômes à la fois. Elle faisait tout toute seule, ne dormait plus que 5 heures par nuit, devant faire tourner six machines à laver avant d’aller dormir. A l’aube, elle devait lancer la cuisson de la soupe du matin pour ses enfants, surveiller l’habillage, le départ d’une vingtaine pour l’école, celui d’une douzaine d’autres vers l’hôpital pour leurs soins, et négocier pour avoir les moyens de financer une opération chirurgicale indispensable pour un ou deux autres.
Ces travaux d’Hercule étaient rendus encore plus compliqués par son cancer qui la tenaillait depuis 20 ans. Au fond, Lijuan ne tenait le coup que par l’amour de ces grappes d’enfants se pressant autour de son giron, n’ayant plus qu’elle sur Terre. Quand l’accumulation des impayés rendit la faillite inéluctable, la pauvre femme refusa la réalité : un miracle de plus devait être possible ! Ce fut le principe désespéré, à la source de sa révolte.
De longue date, elle n’avait plus ni le temps, ni le souci de répondre aux lettres du bureau de l’hygiène ou de la protection de l’enfance : toute injonction de rendre à tel orphelinat d’Etat un petit handicapé était ignorée. De même, elle y restait aveugle et sourde aux sollicitations des créanciers, à ses risques et périls.
Cela faisait des années qu’elle s’estimait abandonnée par la société hypocrite, qui refusait de s’intéresser au sort de ces misérables petits. Les entreprises riches, les structures de l’Etat auraient dû l’aider, au lieu de porter sur elle un regard méprisant. Aussi, elle avait inventé cette méthode innovante de guérilla caritative : avec ses armées d’enfants, elle allait occuper les lobbies des hôtels, les halls des mairies, les parvis des supermarchés, les renvoyant à leur honte, jusqu’à ce que n’y tenant plus, ils paient. Prise d’audace démente, Lijuan s’estimait au-dessus des lois.
N’en pouvant plus face à cette femme hors contrôle, la province se résolut à l’arrêter, seul moyen de lui faire entendre raison. « Tout ce que j’ai fait, déclara Lijuan aux journalistes, menottes aux poings, c’était pour les petits ». La fin justifiait les moyens : on allait retourner le système contre lui-même, « combattre le poison par le poison » (以毒攻毒, yǐ dú gōng dú ). Mais c’était ignorer que la loi n’a aucune tendresse pour ce type d’argument anarchiste !
Une fois l’orphelinat démantelé, la province se retrouvait avec 69 enfants handicapés sur les bras, dont 18 nécessitant une opération à court ou moyen-terme. 13 autres ont besoin d’un suivi rapproché pour des problèmes d’autisme, de diabète ou de cécité.
Divers problèmes légaux ont été mis à jour. Certains enfants ont été rachetés à des gangs, mais déclarés comme « abandonnés » donc sans parents : la loi exige d’effectuer sur eux un test ADN pour tenter de retrouver les parents. Et la ville qui avait fourni jusqu’à 400 yuans par mois de soutien par enfant, crie à la fraude et exige compensation !
Trois adolescents sont entrés en pensionnat. Ils recevront un « soutien psychologique » – d’autres parlent d’une « orientation professionnelle » pour les mettre au plus vite au travail !
En dépit de sa dérive, Lijuan reste bien à plaindre : après avoir consacré sa vie au service des démunis, elle se retrouve derrière les barreaux, sans accès aux soins, face à un fléau qui risque de l’emporter.
Curieusement, dans sa cellule, la mécène déchue médite et semble avoir renoué avec la sérénité. C’est qu’elle est défendue bec et ongles par ses enfants devenus grands, qui s’agitent pour la faire sortir. Elles sont cinq universitaires, dont une fonctionnaire de l’Etat : elles font de la réhabilitation de leur mère la croisade de leur vie, permettant à celle-ci de revoir le film de sa vie sous une perspective réconciliée : « après mon mariage malheureux, se rappele-t-elle, je ne pouvais plus croire en la bonté humaine. Mais depuis, mes enfants m’ont guéri de ma maladie spirituelle. La vie est belle, et le malheur n’est pas ma destinée ».
Quant à ses fraudes et actions de chantage, elles ne pèsent pas sur sa conscience. Le jugement des hommes compte peu pour elle : seul lui importe celui de ses enfants, et là, elle se sait en sécurité, pardonnée, au nom de l’amour !
7-8 juin, dans toute la Chine : le GAOKAO, 高考, le concours national d’entrée à l’université, qui rassemblait cette année 9.75 millions de lycéens (le nombre le plus élevé en 8 ans, en raison du baby boom du passage à l’an 2000 et l’année du Dragon) !
8-10 juin Pékin, Qingdao : Visite d’Etat de V. Poutine, et Sommet SCO à Qingdao
12 juin, Singapour : Rencontre sur la Corée du Nord – Kim Jong-Un—D. Trump
9-12 juin, Ningbo : CICGF, Salon international des biens de consommation
9-12 juin, Pékin : Sino-Dental
12-14 juin, Ningde : Cross Straits Electric Motor and Appliance, Salon professionnel du moteur électrique en Chine du Sud
13-14 juin, Pékin : Optinet China Conference, Conférence sur les réseaux optiques
13-15 juin, Shanghai : International CES Asia, Salon international de l’électronique et des technologies grand public – French Tech Pavillon avec Business France et JD.com
14-15 juin, Shanghai : China AIR Finance Conference
15-16 juin, Canton : WORLD FOOD Guangzhou
15-17 juin, Shenzhen : CNIBF, Salon international des produits et technologies relatifs aux batteries