Entre Nestlé et la Chine, la relation ne date pas d’hier. Après avoir ouvert un bureau de ventes à Shanghai en 1908, le groupe de Vevey signait son retour en 1987 avec une 1ère JV, une usine laitière à Shuangcheng (Heilongjiang). Puis en 1992, il se mettait au Nescafé à Dongguan (Guangdong). Convertir les palais des consommateurs chinois à deux produits qui leur étaient encore inconnus, était un pari osé.
Dans un souci de développement durable, Nestlé mit en place un modèle original, collectant le lait du Dongbei, les fèves de café du Yunnan auprès de dizaines de milliers de fermiers, qu’il formait et épaulait pour booster qualité et volumes. Un des rares groupes à sortir indemne du scandale du lait à la mélamine en 2008, il put décupler ses ventes de lait infantile chez des parents chinois ayant perdu toute confiance en les marques locales.
Peut-être par contrecoup, il subit en 2011 une accusation de fraude à la pesée qui lui valut la colère de 20.000 éleveurs laitiers à Shuangcheng. L’incident inspira peut-être le changement de stratégie qui suivit : plutôt que se risquer à des implantations sur les fiefs des rivaux (Mengniu, Yili), Nestlé se lança dans une série de prises de contrôle de groupes alimentaires locaux. Plus chanceux que Coca-Cola qui s’était vu interdire en 2009 le rachat des jus de fruits Huiyuan, il put en 2011 reprendre 60% du partenaire Yinlu – coproducteur du Nescafé, qui produisait en son nom propre des laits prêts-à-boire à la cacahuète et des porridge de riz. En même temps, il acquit 60% du confiseur industriel Hsu Fu Chi pour 1,7 milliard de $ et en 2012, racheta à 100% la branche nutrition infantile du groupe pharmaceutique américain Wyeth.
Dernier virage stratégique, Nestlé Chine se lance dans les aliments destinés à des fins médicales spéciales , à « toute étape de la vie ». A cet effet, deux usines viennent d’être inaugurées en mai dans la « Cité de la santé » à Taizhou (Jiangsu), avec à terme 120 employés. Depuis son centre de R&D pékinois, Nestlé formule des alicaments tels cette boisson protéinée visant les 110 millions de Chinois hospitalisés par an, dont 40% pâtissent d’une alimentation mal adaptée à leur convalescence. Mais le feu vert des autorités a été difficile à obtenir, faute d’un cadre réglementaire spécifique à ces nouveaux produits. A l’horizon 2020, Nestlé ambitionne d’en mettre au point une vingtaine, notamment à l’attention des centaines de millions de diabétiques ou pré-diabétiques (près d’un Chinois sur deux), dont la cohorte ne fait qu’augmenter… Un marché hélas, ultra-prometteur !
Sommaire N° 21-22 (2018)