Douze mois plus tôt, Sun Zhengcai, 53 ans, était encore considéré comme une étoile montante. Siégeant au Bureau Politique, il dirigeait Chongqing et prétendait au trône de Xi Jinping en 2022. Mais en septembre 2017, la roue a tourné : exclu du Parti, Sun était déchargé de tous ses mandats. Enfin, après un mois de procès, lors du verdict diffusé par la CCTV le 8 mai 2018, il écopait de la prison à vie, privé de ses droits civiques, et sa fortune était confisquée. Sun n’a pas fait appel.
Le mode opératoire est le même qu’ont connu d’autres rivaux de Xi Jinping, tels Bo Xilai (2013), Zhou Yongkang (2015) et Ling Jihua (2016). Sun tombe officiellement pour corruption (27 millions de $, en 15 ans) et style de vie décadent. Cependant, lui aussi s’est vu reprocher des fautes politiques, d’« avoir ouvertement conspiré à usurper le pouvoir du Parti ».
Sun appartient à la faction de Jiang Zemin, tout comme Bo Xilai, ce qui lui a permis, de reprendre le poste de Bo à Chongqing. A l’époque, en effet, fonctionnait encore la direction collégiale au sein de l’appareil, et Chongqing, 2ème ville du pays en population, était un fief de cette faction. Sa position dans l’arrière-pays, loin des contrôles de Pékin, et proche de garnisons stratégiques, pouvait cependant devenir une place forte pour un leader d’opposition, dangereuse pour le pouvoir en place. À l’instar de Bo, Sun aurait pu (selon la rumeur) fomenter un coup d’Etat – crime bien plus grave que la corruption qui lui est reprochée.
La tribunal de Tianjin relève la « clémence » de son verdict : il aurait pu se voir appliquer la peine capitale. C’est du fait de sa « bonne attitude », d’un « remords » assorti de révélations. Sun Zhengcai a peut-être fait plonger des complices pour sauver sa vie. On note l’aspect théâtral de ce procès stalinien, rappelant l’ambiance des procès de Moscou où les accusés se chargeaient eux-mêmes de fautes, au lieu de se défendre.
Chongqing, la place forte maudite, a été reprise par Chen Min’er, autre quinquagénaire de la « 6ème génération », fidèle parmi les fidèles de Xi Jinping. Outre Chen, un autre « présidentiable » reste au Bureau Politique : Hu Chunhua, Secrétaire à Canton et dauphin de l’ex-Président Hu Jintao. Mais Hu Chunhua a multiplié les serments d’allégeance, lesquels semblent avoir été agréés par le maître de pays. Sauf que depuis l’amendement de la Constitution voté lors de la dernière session du Parlement début mars, Xi se retrouve potentiellement Président à vie. A cette heure, la question de sa succession ne se pose donc plus…
Sommaire N° 19-20 (2018)