« La conduite vers une nouvelle ère » : tel est le thème de cette 15ème édition du Auto China à Pékin (26 avril au 4 mai). Alternant une année sur deux entre la capitale et Shanghai, ce Salon de l’Auto, le plus grand du monde, rassemble 1600 exposants sur 220.000m². Aux 800.000 visiteurs attendus, sont exposés 1022 véhicules, dont 105 premières mondiales et 174 à énergies nouvelles, dont deux tiers de conception locale. Ce détail est un signe qui ne trompe pas : la Chine n’a rien laissé au hasard pour s’imposer sur ce nouveau créneau.
L’évolution de la traction thermique vers l’électrique, profite aux équipementiers, qui fournissent aux constructeurs les outils de demain. Alors que les ventes de voitures en Chine plafonnaient l’an dernier à 28,9 millions (+3,2%), celles des équipementiers poursuivent leur croissance à deux chiffres : Faurecia (+20%), Plastic Omnium (+17%).
Valeo, n°1 mondial dans les systèmes électriques, emploie en Chine 20.000 personnes entre 34 usines, et 14 centres de R&D, en JV avec Siemens. Son chiffre d’affaires a augmenté de 17%, avec 10 milliards d’€ de commandes en 18 mois—dont 38% passées par des constructeurs chinois. « Ces derniers sont friands de nos technologies car ils désirent monter en gamme », déclare François Marion, nouveau Président Valeo Chine,
Au Salon, Valeo présente son tout nouveau moteur 100% électrique à basse tension (48V), dont est équipé leur dernier prototype urbain à deux places (cf photo), réalisé en coopération avec l’Université Jiaotong de Shanghai. Il promet de parcourir 150km à 100km/h avec 0 émission de CO2. En cas de production industrielle, il se vendrait 7500€ (60.000 yuans) – fraction des prix actuels.
Qui dit « moteur électrique », dit « batterie », et donc « autonomie ». Pour la préserver, il faut contrôler la température de la batterie, et proposer des systèmes chauffage et de climatisation peu gourmands en énergie. Ainsi, Valeo produit un compresseur qui conditionne l’air de l’habitacle et protège les batteries de la surchauffe, leur principal danger. Cette technologie permet d’augmenter l’autonomie d’une voiture électrique de 20% en été, 30% en hiver.
Autre innovation : son système Scala, ayant reçu aux Etats-Unis le prestigieux trophée 2018 d’innovation PACE. Scala est le premier laser-scanner pour voiture. Il lit la route avec intelligence artificielle et algorithmes propres. Vendu à des dizaines de firmes, y compris les GAFA, il est l’outil de base de la conduite autonome et de nombre de fonctions nouvelles, tel le freinage d’urgence : Scala se substitue au conducteur pour éviter ou mitiger le choc, parfois en changeant de direction – préalablement vérifiée.
A cela s’ajoutent les phares LED à basse consommation, intégrés à la carrosserie ; des essuie-glace activables par smartphone pour dégivrer le pare-brise ; des nettoyeurs pour senseurs, essentiels à la conduite autonome sous la pluie, la neige givrante ou la grosse pollution. Un équipement réoriente les pleins phares en permanence de manière à éviter d’aveugler le conducteur d’en face.
Tout cela signifie, pour Valeo, 2000 brevets par an (n°1 national), et 12% du chiffre d’affaires réinvesti chaque année dans la recherche. Les 5000 chercheurs de 2009, sont aujourd’hui 20.000, qui passeront à 30.000 en 2022, pour un groupe qui, mondialement, se porte bien : ses ventes mondiales de 18,7 milliards d’euros l’an passé, devraient passer à 27 milliards en 2021.
L’autre tendance forte de ce Salon de l’Auto est la digitalisation de l’automobile, l’entrée dans l’habitacle de nouvelles fonctions en prévision du moment plus trop éloigné désormais, où le quatre-roues avancera sans chauffeur, libérant le ou les passager(s) pour d’autres activités.
C’est ainsi qu’Alibaba équipe Mercedes-Benz, Audi et Volvo, Volkswagen et Geely et une centaine d’autres marques, de son assistant digital. Alibaba leur a déjà vendu 2 millions de haut-parleurs intelligents, intégrant le logiciel à commande vocale Tmall Genie, qui propose un catalogue de musiques en ligne, podcasts d’actualités, agenda personnel et service de réservations. Il obéit à des ordres simples comme allumer la climatisation, planifier un itinéraire, ou encore vérifier à distance que les portes sont bien fermées ou que les batteries sont chargées. Pour identifier et répondre toujours mieux aux besoins de l’usager, Alibaba utilise la masse de données personnelles, récoltées par ses différents services.
Didi Chuxing, le géant chinois des VTC, lance une plateforme avec 31 constructeurs et équipementiers, étrangers et chinois, pour développer le futur type de véhicule le plus adapté à ses services « de mobilité ». Mise à part sa traction électrique ou hybride, ce véhicule devra être différencié selon les besoins. Par exemple, un grand coffre n’est pas nécessaire pour aller au travail mais plutôt pour transporter des objets volumineux. Il sera également hyperconnecté en intégrant tout type d’applications pour louer, partager ou prêter le véhicule par exemple. Pour l’utilisateur, un des intérêts serait de réduire les coûts (assurance, entretien, parking) d’un véhicule souvent immobile 22h par jour. Un autre avantage serait l’élimination des embouteillages – un seul véhicule pouvant alors en remplacer dix.
Mais une ombre plane sur ce Salon de l’auto, invisible parce que politique, mais bien présente parmi les exposants : celle du risque de guerre commerciale américaine en rétorsion d’un protectionnisme local. « Sentant le vent du boulet », le gouvernement chinois multiplie les annonces lénifiantes : une coupe des taxes à l’importation de 25% à 15%, voire 10% pourrait être annoncée le mois prochain. Cette dernière mesure profiterait surtout aux véhicules de luxe. En 2017, le pays importait 1,22 million de véhicules, soit seulement 4,2% du total des ventes en Chine. Plus importante serait la levée en 2018 de l’obligation de JV pour les véhicules électriques et hybrides, en 2020 pour les véhicules utilitaires, en 2022 pour l’ensemble du secteur. Néanmoins, pour nombre de constructeurs étrangers, ces mesures arrivent bien tard…
Sommaire N° 16-17 (2018)