Editorial : De tribunaux et de gros bras

La roue du destin s’emballe pour Sun Zhengcai, l’ex-étoile montante. Jusqu’en juillet 2017, à 53 ans il était Secrétaire du Parti à Chongqing, 33 millions d’âmes. Au Bureau Politique, il était un des deux à pouvoir espérer succéder à Xi Jinping en 2022. Mis sous enquête par la CCID, il était accusé « de mener une vie dissolue, de corruption, divulgation de secrets d’Etat, et d’avoir comploté pour prendre le pouvoir ». Le 12 avril, il se retrouvait devant le Tribunal intermédiaire n°1 de Tianjin pour corruption seulement. Face aux juges, Sun a fait veule contrition, avouant avoir touché 27 millions de $ en abusant de son pouvoir depuis 2002. Une lourde peine l’attend – la perpétuité peut-être, tout comme Ling Jihua l’ex-bras de droit de Hu Jintao (qui avait empoché 11,6 millions de $) ou encore Bo Xilai et Zhou Yongkang, membres de la faction de Jiang Zemin, le rival du Président Xi Jinping…

Un autre procès se profilerait d’ici fin juin, celui de Xiao Jianhua, milliardaire chinois naturalisé hongkongais et canadien, kidnappé en janvier 2017 dans un hôtel de luxe à Hong Kong, et disparu depuis sur sol chinois. Bien connecté, Xiao savait bien des choses sur bon nombre de membres de la nomenklatura. Les charges sont inconnues, mais la sentence devrait être plus légère que pour Wu Xiaohui, le patron de Anbang, Xiao ayant coopéré avec les autorités et dénoncé des « grands crocodiles » (大鳄鱼) oligarques, contre lesquels Xi dirige ses foudres.

La tension avec les Etats-Unis donne aux flottes des deux pays l’occasion de sorties en mer, pour montrer leurs muscles et leurs équipements. Côté américain, le porte-avions USS Théodore Roosevelt cinglait le 10 avril de sa base  hawaïenne vers les Philippines, via la mer de Chine du Sud (revendiquée par Pékin), accompagné de sa flotte de soutien aéronaval Carrier Strike Group 9, ses chasseurs bombardiers F-18 aéroportés, ses sous-marins et ses croiseurs. La presse internationale, officiers philippins et taiwanais se trouvaient à bord.

Mais la Chine n’était pas en reste : entouré de 48 croiseurs, corvettes, frégates et sous-marins, le porte-avions Liaoning paradait au large de Hainan (11-13 avril) sous les yeux du chef des armées Xi Jinping en tenue de combat, à bord du destroyer CNS Changsha – un des fleurons de cette flotte toute neuve (50 des navires sont postérieurs à 2012) – qui poursuivait par trois  jours d’exercices, dont la devise aurait pu être « qui s’y frotte, s’y pique » ! 

Au même moment, l’archipel mélanésien de Vanuatu et la Chine démentaient le 10 avril, que cette dernière soit sur le point d’y installer une base militaire. Pour autant, la Chine a réalisé de nombreux projets d’équipements au Vanuatu, aujourd’hui lourdement endetté. L’Australie a donné l’alarme : et si l’archipel ne pouvait plus rembourser, serait-il en mesure de refuser sur son sol une base chinoise, une station-relais pour les échanges avec les fusées spatiales chinoises ? On n’en est pas là—mais Canberra montre sa nervosité, face à ces îles à 1750 km de ses côtes.

Alors que la lune de miel se poursuit entre Chine et Philippines avec la visite de R. Duterte à Boao, la tension monte entre Chine et Inde, à quelques semaines de la visite du Premier Ministre N. Modi à Qingdao en juin, au sommet « SCO » de coopération sécuritaire. En cause : l’Etat indien d’Arunachal, que la Chine appelle « Sud-Tibet » et revendique. Entre 5000 et 6000m d’altitude, sur des centaines de km, une frontière malaisée a été établie  (la « Line of Actual Control »), mais les incidents sont incessants. La Chine accuse l’armée indienne d’avoir endommagé son matériel – l’Inde dément. Ainsi visites et conférences se multiplient entre les deux pays pour tenter de renforcer ce qui fait le plus défaut—la confiance… A l’évidence, ces deux géants ne trouveront pas la stabilité nécessaire à leur coopération, sans avoir d’abord épuré ce contentieux territorial.

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1 Commentaire
  1. severy

    Faute de conserver un Tibet indépendant ou véritablement autonome servant d’État tampon, la Chine est confrontée aux malheureuses conséquences de son invasion.

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