Politique : Nouveau régime, Constitution, institutions

La possibilité de voir se maintenir Xi Jinping au pouvoir à vie semble inspiré par le style de pouvoir à la Mao. Un nombre de raisons viennent à l’esprit :

– La première est l’amère leçon qu’a tirée Xi Jinping du Printemps de Pékin de 1989 et parallèlement, de l’implosion du Parti « frère » soviétique suite aux « compromissions » de Gorbatchev, le premier Secrétaire de l’époque vis-à-vis de la démocratie occidentale. A son arrivée au pouvoir en 2013 à Pékin, face à une assemblée très privée d’un millier de descendants des leaders historiques, Xi promettait de s’ériger en gardien du temple du Parti.

– À la suppression de la limite à deux quinquennats pour le Président, une autre raison est l’éternelle guerre d’influence qui se livre en interne au PCC. D’aucuns lisent dans l’initiative de Xi, une volonté de démanteler l’influence de l’ex-Président Jiang Zemin, qui avait en 13 ans placé ses hommes à de nombreux postes-clé. De fait, jusqu’en 2017, armée, police et tutelles financières restaient aux mains de son « club de Shanghai ». Ce dernier aurait même provoqué le crash boursier de 2015 à seule fin d’affaiblir Xi. A présent, en s’en donnant le temps, Xi s’assure de pouvoir évincer un à un ce qui reste de ses rivaux.

– Autre raison : ce gain de temps va apporter à Xi un atout décisif à l’international. Les démocraties occidentales elles, changent de chef de gouvernement tous les quatre à cinq ans. Or, un Xi aux manettes pour 15 ans ou plus, est un gage de stabilité pour réaliser ses grandes ambitions pour la Chine. Profitant du repli identitaire de l’Amérique de Trump, la Chine vise à devenir la 1ère puissance commerciale et militaire d’Asie du Sud-Est… pour commencer. Pour cela, elle a lancé l’AIIB (Banque Asiatique d’Investissement en Infrastructures), la BRI (Belt & Road Initiative), le Sommet sino-africain (prochain meeting à Pékin en septembre 2018), et pris sept îlots de mer de Chine du Sud. Tous ces chantiers voient leurs chances de succès boostées  par le mandat à long terme de Xi Jinping. Face aux USA, à l’Europe, ce cadre stable pourrait aider à la réussite de palabres concernant le libre-échange. Sur Taiwan, Pékin exercera plus de pressions—sans aller jusqu’à une guerre de reconquête qui signerait un désastre mutuel— pour la forcer à se réintégrer à la nation. En somme, tout dans cette action favorisera la montée en puissance du pays sur le plan international, ce qui pourra à la longue faire accepter par l’opinion chinoise l’évident recul de ses libertés.

Pour asseoir son pouvoir, Xi Jinping fait passer d’autres amendements à la Constitution. 
Parmi les amendements figurent celui de la « pensée de Xi Jinping du socialisme à la chinoise de la nouvelle ère ». La Constitution prétend également bâtir « une communauté de destin pour l’humanité », et rappelle que « la direction du Parti est la caractéristique déterminante du socialisme à la chinoise ». La Constitution imposera aussi à tout jeune cadre de prêter serment devant elle.  Ici se dévoile un paradoxe : jusqu’en 2012, un courant d’opinion militait pour le constitutionnalisme. La Constitution devait être le garde-fou contre les excès du régime, la garantie d’une marche vers l’Etat de droit. Xi avait alors vite étouffé ces voix. Mais une fois ce texte amendé selon les besoins du régime, elle peut être sanctifiée et présentée comme un texte phare de la nation—comme le réclamaient les dissidents. Question de nuance…
Enfin, elle affirme la mission du Conseil d’Etat d’« avancement écologique ». 

Un dernier amendement essentiel introduit le nouvel organe central de la Commission Nationale de Supervision (CNS), concrétisant la promesse de Xi Jinping de « mettre en cage » les cadres corrompus. Fusion des branches anti-corruption de la Commission Centrale d’Inspection de la Discipline (CCID, police interne du Parti) et de la Sécurité d’Etat, elle existait déjà depuis 18 mois aux niveaux intermédiaires. Un sommet de la CCID des 11 au 13 janvier vient de rajouter le niveau national.

La CNS est le plus puissant organe du pays, au-dessus des organes judiciaires et des corps de police, et au même niveau que le Conseil d’Etat qui ne peut interférer dans sa mission… Sa charte est la loi de supervision, à adopter lors de cette session de l’ANP. Elle pourra enquêter sur tout employé du secteur public : juge, professeur, médecin, cadre en entreprise publique, membre ou non du Parti. Coupables ou suspects, ils pourront être emprisonnés trois mois sans mandat d’arrêt ni avocat, dans le cadre d’un système de liuzhi (留滞, « détention ») remplaçant le shuanggui (双规, « double investigation ») de sinistre mémoire. 

Selon la rumeur, un autre nouvel organe va tenter de reprendre en main le contrôle des finances. Les tutelles de l’assurance, la banque et la bourse (CIRC, CBRC, CSRC) seraient placées sous un Comité pour le Développement et la Stabilité Financière (CDSF) présidé par Liu He, le fidèle de Xi. Une raison à cette volonté de reprendre le contrôle sur la finance est la volonté d’éliminer les « angles morts » par lesquels les compagnies financières jouant sur les trois tableaux, échappaient de plus en plus aux contrôles, et se finançaient régulièrement sur les marchés gris tout en exportant des fonds illégalement. Une autre raison est à trouver dans le noyautage ancien des tutelles par le club de Shanghai, et dans la rareté des hauts cadres compétents en ce type de tutelle, et surtout fiables aux yeux de Xi.

Enfin la Banque Centrale devrait conserver la main sur la politique et le marché monétaire, et les marchés d’échange en devises. Son but, la convertibilité du yuan, deviendra possible dès que la stabilité, et l’audace de l’équipe dirigeante le permettront.

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1 Commentaire
  1. severy

    On se demande s’il n’est pas contradictoire d’assurer la stabilité de la position d’une personne en la faisant reposer sur l’instabilité de la Constitution.

    Faire jurer aux nouveaux membres du Parti fidélité à la Constitution en incluant (insidieusement soit dit en passant, ceci s’inspirant du modèle faciste et national-socialiste, de sinistre mémoire) la personne du Président dans icelle devrait automatiquement les faire jurer de respecter itou une clause relative aux bouchers.
    « Pourquoi les bouchers », demanderez-vous?
    À quoi on répondra: « Pourquoi le Président? ».

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