Diplomatie : Chine/USA – Dérive vers une guerre commerciale ?

« Une fois de plus, les Etats-Unis abusent de rétorsions commerciales » – tel fut le 23 janvier, le plutôt discret commentaire du ministère du Commerce chinois, suivant l’annonce par Washington de taxes aux panneaux solaires made in China.

Or, Trump multiplie les clashs. Le 22 janvier, il prévient Pékin de « milliards de $ » de rétorsions, dans le cadre d’une « procédure accélérée » au nom d’une longue série de griefs. Avant cela, le 20 janvier, le Département du Commerce émettait l’idée qu’« avoir laissé entrer la Chine à l’OMC en 2001 avait été une erreur ». Le 19 janvier, il bannit  le conglomérat HNA de tout achat d’actifs tant qu’il « n’aura pas expliqué sa structure propriétaire » – HNA avait acquis pour 40 milliards de $ de parts dans des groupes, tels Deutsche Bank, Skybridge (fonds d’investissement) et Glencore (pétrole). D’autres firmes dans les télécoms, telles ZTE et Huawei ont vu bloquer leurs contrats aux Etats-Unis, et leur droit de lobbying au Congrès. Puis, au Sommet de Davos, le 25 janvier, Trump suggéra qu’il pourrait faire revenir les USA dans le TPP (Trans-Pacific-Pact, accord de libre-échange à 16 pays) dont il les avait fait sortir en 2017. Trump pourrait avoir pour objectif le vieux projet de B. Obama d’isoler la Chine !

Les raisons de cette offensive trouvent leur origine dans la personnalité du Président américain – populiste, protectionniste, et n’agissant pas toujours dans l’intérêt de son pays. Ainsi pour les experts, la taxe aux panneaux solaires, loin de mettre fin à l’écrasante domination chinoise sur le secteur, va enchérir de 10% le coût de ces biens pour fermes solaires, de 3% pour les particuliers, et fera reculer les nouvelles implantations de 11%.

La crise avec la Chine a cependant des raisons plus profondes. Comme  d’autres pays de l’Ouest, les USA reprochent à la Chine la fermeture de ses marchés publics aux étrangers, la course aux rachats d’actifs à travers le monde par des intérêts publics déguisés en privés, le forcing aux multinationales s’installant sur son marché pour leur faire partager leurs secrets industriels, et le vol de propriété intellectuelle. Cumulées, ces pratiques infligent à l’économie américaine un déficit bilatéral record de 275,8 milliards de $.

Les défenseurs de la Chine font valoir que les économies d’échelle chinoises réduisent les coûts mondiaux de production de biens modernes et aident à soutenir le pouvoir d’achat du citoyen américain.

Mais la perception de la Chine dans l’opinion américaine reste négative : elle lui reproche des règles du jeu biaisées et déloyales, et une gouvernance autoritaire, la moins permissive depuis l’ère de Deng Xiaoping. Face à l’impatience grandissante, à l’évidence, pour maintenir son accès au marché américain (comme à celui européen), Pékin va devoir faire une concession de taille, et ne pas trop attendre…

Comme par hasard, le 24 janvier, Liu He, le théoricien de Xi Jinping, annonce à Davos des « ouvertures cette année, d’une ampleur que nul ne soupçonne pour l’instant », dans les domaines-clés de la finance (principale bénéficiaire pressentie), de l’industrie, de la protection de la propriété intellectuelle et des importations.

Cependant le 24 janvier, les Etats- Unis infligèrent une dernière sanction qui a de quoi surprendre,  frappant des entités chinoises et nord-coréennes pour violation du blocus commercial voté ces derniers mois au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Deux groupes commerciaux du Jilin (à la frontière coréenne) et neuf entités du pays de Kim Jong-un sont concernées (y compris son ministère du Pétrole et six navires battant son pavillon, pour avoir transbordé de l’or noir en haute mer). Trump augmente la pression sur la Chine pour qu’elle cesse de soutenir Pyongyang. Cette demande est peut-être plus urgente que celle portant sur les échanges commerciaux. En effet, le régime de Kim Jong-un ne serait « plus qu’à quelques mois de pouvoir lancer un missile nucléaire vers les Etats-Unis » selon Mike Pompeo, directeur de la CIA.

Fait rare, on voit la Chine faire des efforts visibles pour se conformer au blocus – on la connaît d’ordinaire plus portée, en cas de confrontation, vers une fin de non-recevoir. Elle le fait pour éviter que n’éclate un conflit avec les Etats-Unis. Sans doute aussi par une crainte déjà perceptible d’une bombe atomique, ou d’un accident nucléaire débordant sur son sol. Le gouvernement a commencé à informer par voie de presse sa population sur les moyens – de base – de limiter l’effet de radiations nucléaires. Sur la rive nord du fleuve Yalu, la Chine déploie des centaines de capteurs de radiations et des cameras de surveillance vers la Corée du Nord, et les patrouilles s’y succèdent, ainsi que les comités de citoyens-vigiles. Quant à l’APL, en 2017 elle y réalisait 45 manœuvres, à la cadence de presque une par semaine.

La preuve que les sanctions sont en grande partie appliquées : Dandong,  ville chinoise à la frontière, qui prospérait jusqu’alors des échanges avec le pays voisin, voit ses usines textiles et son commerce électronique en panne, comme son immobilier, en dépit de décotes des prix de l’ordre de 30%…

En résumé, le tournant est pris. Sur le dossier commercial comme sur celui de la Corée du Nord, la Chine indique qu’elle fera tout pour prévenir le clash avec les USA, le rival agaçant mais aussi le modèle admiré depuis toujours.

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