Mario Botta, l’architecte suisse de renom, était en Chine les 22 et 23 janvier pour un dialogue avec des jeunes talents chinois sous l’égide de son ambassade. Le Vent de la Chine l’a rencontré.
Comment voyez-vous la Chine ? C’est un pays « jeune », qui s’éveille et part dans toutes les directions, débordant d’énergie et d’ambition, qui a la puissance des grands nombres. La contradiction est forte vis-à-vis de l’Europe et de l’Amérique, qui sont plus matures. Entre l’Occident et la Chine, la confrontation est intergénérationnelle.
Et en tant qu’architecte ? Pour moi, l’architecture est l’acte de modifier l’équilibre naturel, pour l’adapter au besoin social. En Chine, il y a une dimension d’urgence, de besoin de loger ces masses immenses. Sous la pression du client, du bailleur de fonds, l’architecte doit faire vite. Résultat, on trouve de tout en Chine, du meilleur comme du pire…
Le Chinois est-il indifférent à la beauté des lieux qu’il habite ? Pas du tout ! Les Chinois eux aussi, désirent des beaux espaces, qui respirent la joie de vivre. De plus, ils prennent progressivement conscience de la nécessité de protéger leur patrimoine.
Comment décririez-vous le musée d’art de l’Université de Tsinghua (Pékin), que vous avez conçu ? En une trentaine de voyages en Chine, j’y ai créé une quinzaine de projets. A Tsinghua, ce lieu manquait de repères. Ce musée fait donc la limite entre l’université et son nouveau campus, un espace de transition. Le portique en bas du musée est le point de passage, et une parenthèse d’art entre les lieux de vie et ceux de l’étude et de la science.
Quid de l’architecture de montagne ? C’est un défi, mais aussi un lieu de grand charme. Son concept gagne aujourd’hui en importance. A chaque projet, l’architecte de montagne doit étudier les forces et tensions, les pentes et conditions de ruissellement, la nature du paysage, ainsi que sa culture et sa tradition. Plus qu’en plaine, toute construction de montagne doit s’harmoniser avec son environnement, pour des raisons d’esthétique, comme de fonctionnalité et de sécurité. Ceci est plus vrai qu’ailleurs en Suisse, où l’architecte doit trouver l’équilibre entre nature et humanité, et respecter le site qui lui échoit. Il ne doit pas seulement écouter le lieu, mais aussi ses êtres humains : la plupart des réussites architecturales de montagne ne se contentent pas d’exprimer les concepts de l’architecte, elles témoignent aussi de la sagesse des autochtones.
Sommaire N° 3 (2018)