Editorial : Une Chine en mal de sécurité

Tambour battant, l’appareil du Parti  poursuit sa course à la sécurisation. Deux réunions au sommet  viennent de se tenir : celle (11-13 janvier) de la CCID, Commission de Discipline du Parti, police interne du pouvoir, et celle (18-19 janvier), du Comité Central. Tous deux préparaient le lancement de la Commission Nationale de Supervision, qui aura tous pouvoirs sur les membres du Parti et de l’administration. De plus, le Plenum du Comité Central devait enchâsser la « pensée de Xi Jinping » dans la Constitution : il en avait reçu le mandat formel trois mois plus tôt lors du XIX Congrès du Parti.

Cette « seconde session » du Plenum du Comité Central devait fixer les objectifs idéologiques du quinquennat, à  savoir consolider la faction au pouvoir. A cet effet, il s’agissait aussi de réviser la Constitution pour changer la gouvernance du pays.

Cet aspect, chargé de mystère, difficile à saisir, était pourtant prioritaire entre tous. C’est pourquoi le meeting avait été fixé un mois plus tôt que de coutume – il intervient normalement fin février, peu avant la session de l’Assemblée Nationale Populaire, qu’il prépare. Son importance au sein de la machine de pouvoir était explicitée par la phrase conclusive du Plenum du Comité Central : le sommet avait été « une étape-clé d’approvisionnement, le long du grand voyage vers l’accomplissement du but chinois et l’avenir sans limite de la Chine ».  

Ce que cette formule pompeuse recouvre, est la volonté absolue de renforcer les contrôles sur la société, le Parti, l’administration et les forces armées (Armée Populaire de Libération et police armée).

Ce projet, à dire vrai, ne date pas d’hier—on en retrouve des traces 18 mois plus tôt, avec les premiers essais de mise en place de cette Commission Nationale de Supervision en diverses provinces, permettant d’intégrer tous les organes anti-corruption en place, à travers divers niveaux du Parti et du gouvernement. À partir de mars, le système devrait s’appliquer à la nation entière, et consentir à des forces spéciales réparties à travers le pays, d’arrêter, d’interroger et même de déposséder les cadres coupables de corruption sans mandat de la justice.

En marge, ou en filigrane de ce resserrement général de la discipline à travers le pays, depuis le début du mandat de Xi Jinping fin 2012,  la CCID avait puni 1,4 million de cadres, et pourchassé avec ses armées de comptables et de policiers, les « 4 décadences » (formalisme, esprit rond-de-cuir, hédonisme et extravagance). La lutte anti-corruption s’accompagnait d’un combat contre les adversaires de l’équipe en place.

Ainsi, Sun Zhengcai, Secrétaire du Parti à Chongqing, et l’un des successeurs pressentis au poste de Xi en 2022, tombait en août 2017. Quelques mois plus tard, le suivait dans sa disgrâce le général Fang Fenghui, remis en janvier à la justice militaire. Ces deux limogeages étaient présentés comme dus à la corruption, mais analysés par des sources extérieures comme la conséquence d’une opposition interne au pouvoir de Xi Jinping.

La révision de la Constitution sera la cinquième depuis sa promulgation en 1982. Le plus fort amendement, signé Deng Xiaoping, avait fait remplacer l’économie « planifiée » par l’économie « socialiste de marché ». La gouvernance annoncée, prétend supprimer toute latitude aux cadres pour se détourner de l’Etat et du Parti. Xi Jinping vise aussi une société plus à l’écoute de la loi, sous la contrainte d’un nouvel outil rendu possible par l’internet : le crédit social.

Enfin, ce resserrage de la vis, se retrouve dans la presse sur de nombreux plans, sur les réseaux sociaux, les industriels, les banques, les hôtels… autant de signes de sécuriser l’avenir – au risque d’obtenir l’effet inverse.

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