Le volume des affaires engrangées lors de la visite française des 8 à 10 janvier, ne peut se comparer aux 250 milliards de $ récoltés par D. Trump en novembre. Emmanuel Macron s’en excusait ainsi : « Venir pour faire du chiffre, n’offre aucun intérêt. Autant chercher à relancer la relation sur des bases nouvelles », nonobstant le déficit commercial dont souffre la France en Chine (30 milliards d’euros en 2016), qui grève sa croissance.
Pour Airbus, ce n’est que quelques heures avant la fin de la visite, que la partie chinoise finit par lâcher sa commande : 184 appareils A320 (15 milliards d’euros). Une part d’entre eux sera montée en Chine à Tianjin, et une majorité sous propulsion Neo de Safran (promettant 20% d’économie en carburant). Beaucoup d’ouvrage en perspective mais cela reste inférieur aux 300 Boeing achetés lors de la visite de Trump. Macron fit promettre à Xi Jinping de respecter à l’avenir « une parité » de commandes entre Boeing et Airbus, ce qui permet d’attendre d’autres commandes dans les mois à venir.
Côté nucléaire, le « contrat du siècle » tarde à naître, après 10 ans de tractations. Il s’agit pour Areva de fournir à CNNC (groupe nucléaire national chinois) son dernier maillon du cycle du combustible : une centrale de retraitement qui, à partir de 2030, lui permettra de convertir 800 tonnes par an de combustible nucléaire (les déchets de 50 centrales d’ici 2030) en mox (nouveau combustible) et en déchets vitrifiés pour les rendre inoffensifs. Le plutonium en sera extrait sous contrôle international, pour prévenir le détournement du matériau à des fins militaires. Ces déchets ainsi retraités seront stockés en formations géologiques stables, pour une conservation en millénaires. L’implantation de la centrale reste secret, du fait de l’hostilité croissante des populations riveraines : pressenti comme site en 2016, Lianyungang (Jiangsu) s’était mobilisée, forçant le régime a chercher ailleurs. Le coût total du projet dépassera 30 milliards d’euros, dont 10 à 12 pour Areva, fournisseur de technologie—mais non bâtisseur. En dépit de tout, le contrat ne fut pas signé durant la visite d’Etat : les négociateurs poursuivent les palabres, à propos du prix –version officielle– et probablement aussi du partage des développements futurs et des évolutions de la centrale sous management chinois. Car en 2050, ce centre sera n°1 mondial , dépassant sa « mère » de la Hague (France). D’ici 2050, il retraitera les déchets de 100 centrales nationales, plus celles que la Chine aura vendue hors frontières. Il en découlera des améliorations et technologies dérivées. Sous 10 à 20 ans, ces innovations aujourd’hui impossibles à évaluer, vaudront beaucoup d’argent, et plus encore de pouvoir : qui en sera propriétaire ? Tel débat qui démarre au niveau des ingénieurs, a un évident besoin d’arbitrage politique – sur toile de fond stratégique (militaire).
En aéronautique, Thales fournira le système de divertissement en vol à 60 avions neufs (42 A330, 17 A350) de Hainan Airlines. Moyennant 9,1 milliards de $, CFM (Safran) fournira près de 500 moteurs à Hainan Airlines, Spring Airlines et Xiamen Airlines. Le groupe a aussi signé des contrats de maintenance avec ces compagnies aériennes. Eutelsat et China Unicom signent un accord préliminaire pour un futur service de « wifi global » dans l’aviation. Dassault Systèmes entame une coopération spatiale avec la CASC, la compagnie d’Etat experte en sciences et technologies de l’espace. Les deux Présidents portent sur les fonts baptismaux une « université franco-chinoise de l’aviation » à Hangzhou (Zhejiang), aidée par l’Ecole Nationale d’Aviation Civile.
EDF n’est pas de reste, qui veut bâtir et exploiter une centrale solaire à Sanya (Hainan), y mettant 100 millions d’euros, et une centrale biomasse de 35MW à Lingbao (Henan) à 50 millions. Engie signe avec Linyang Energy, pour développer des projets en énergies renouvelables.
Côté alimentaire : le groupe de e-commerce JD.com, rival d’Alibaba, s’entend avec Business France, pour importer et distribuer d’ici fin 2019 en Chine pour 2 milliards d’euros de vivres français haut de gamme, cognacs, foie gras, fromage et vins de garde. A cet effet, JD.com fait l’acquisition d’un système de triage de marchandises du groupe d’ingénierie Fives pour 100 millions d’euros.
Après le bœuf américain en juin 2017, c’est au tour de son frère de race français de faire son retour sur les étals chinois : la Chine promet de lever les freins vétérinaires sous 6 mois—après 16 ans de quarantaine ! Les éleveurs hexagonaux espèrent atteindre initialement un rythme d’exportation de 50.000 tonnes par an. En viande porcine par ailleurs, un 15ème abattoir est agréé.
En matière de services, Sodexo, leader mondial auprès des entreprises, a conclu un contrat pour 5 ans avec l’équipementier télécoms Huawei pour 335 millions d’euros. Concernant le 3ème âge, la société toulousaine Sigfox signe un contrat à 300 millions d’euros, de fournitures sur le marché de Chengdu, d’appareils individuels de téléassistance aux personnes âgées, à commencer par leur localisation.
Un fonds franco-chinois entre Bpifrance, la China Development Bank et Cathay Capital, va réunir 1,2 milliard d’euros à disposition de PME des deux pays, détentrices de haute technologie. Un musée Pompidou à Shanghai-Pudong (Ouest) est en construction, 25.000m² signé de l’architecte britannique Chipperfield, qui dès 2019, sera alimenté par le fonds des œuvres d’art contemporain du musée parisien, le second mondial avec 120.000 pièces. Cerise sur le gâteau, divers ministres des deux pays, lancèrent le 9 janvier, Terra Panda à Chengdu (Sichuan). 350 hectares de parc consacré à l’ourson noir et blanc sous tous ses angles : tourisme, incubateur industriel, et même transformateur des déchets du plantigrade. Trois sociétés seront maîtres d’œuvre : Fangsuo, Chengdu Wenlu, et Deyrolle.
Sommaire N° 1 (2018)