Editorial : Chine qui monte, Chine qui descend…

Joyeuse ou grinçante, l’actualité chinoise défile, sous des tonalités variant sans cesse. Le Nouvel An lunaire n’est plus loin (16 février 2018) et sera placé sous le signe du Chien. De tout temps, le régime a accordé la plus grande importance aux préparatifs de cette période de fête. 30 ans plus tôt, Pékin améliorait l’ordinaire des marchés : la ménagère y dénichait des trésors normalement introuvables, raviolis à la crevette, pâtes d’azerole et surtout, diverses viandes fraîches. Aujourd’hui, la dernière annonce du ministère des Finances vient rappeler cet effort de l’Etat pour se faire aimer. En effet, au 1er décembre 2017, 187 produits importés, tels anoraks, skis, laits maternisés ou couches jetables, ont vu leurs droits de douane allégés de 17% à 7% en moyenne.

Divers buts sont visés. L’Etat veut encourager l’achat de produits étrangers, pour satisfaire un consommateur échaudé par des produits locaux jugés peu sûrs. Il veut aussi rassurer les pays partenaires, en poursuivant l’ouverture de son marché intérieur. Il espère ainsi désamorcer une guerre commerciale qui gronde, avec Washington. La Chine de Xi Jinping veut se montrer plus libérale que les USA de D. Trump, protectionnistes.

Pékin veut enfin avancer la réforme de la taxation. Pour l’heure, les importations sont grevées de 3 taxes : douanière, à la consommation et TVA. Or, ces dernières coupes tarifaires sont en continuité avec le cadre préférentiel offert depuis 2016 au e-commerce transfrontalier. L’Etat veut aligner et unifier la taxation de toutes les filières d’importation – achats individuels à l’étranger, importations par les distributeurs traditionnels et via l’e-commerce transfrontalier. De loin le plus populaire, ce commerce en ligne attirait 42 millions de clients en 2016, qui dépensaient 181 milliards de $. En 2017, ces chiffres devraient bondir de 54% !

L’autre nouvelle du 28 novembre est l’apparent suicide d’un général : affaire insolite s’agissant d’un des dix généraux les plus gradés du pays, et de plus réputé loyal à Xi Jinping. Depuis l’arrivée aux affaires du chef de l’Etat, Zhang Yang avait obtenu de superbes promotions : à la Commission Militaire Centrale (CMC), au Comité Central et au Département de politique générale de l’APL, qu’il dirigeait.

Mais fin août mystérieusement, tout basculait. Avec Fang Fenghui, son acolyte à la CMC, il disparaissait de la liste des délégués du 19ème Congrès, pour réapparaître sur celle des corrompus « aux arrêts pour sérieuses fautes disciplinaires ».

Ce qui était reproché à Zhang : un accaparement de biens mal acquis, impossibles à cacher. Le Quotidien de l’APL explique sa disgrâce par la découverte chez lui de « grandes richesses » d’origine injustifiable. Mais peut-être plus encore, lui furent reprochés ses liens avec les deux généraux Guo Boxiong et Xu Caihou, corrompus et ayant été très proches de Zhou Yongkang, l’ex-patron de toutes les polices et l’ennemi déchu de Xi Jinping. A tout le moins, la disgrâce de Zhang Yang intervient en une période de multiples appels du sommet, à la loyauté des militaires.  

Pourquoi ce suicide à 66 ans, quand le sort qu’on lui réservait était typiquement une prison dorée ? Un observateur anonyme, sur internet, suppute qu’il aurait cherché à protéger sa famille, ou officiers proches, en prenant implicitement sur lui une faute qui serait collective…  Quant au Quotidien de l’APL, il explique son geste fatal par « le désir d’échapper honteusement au châtiment ». Entre 2009 à 2016, 243 cadres du Parti ont attenté à leur vie. Et depuis 2012, à en croire le journal de l’armée, 13.000 militaires ont été « disciplinés » – une carrière toujours risquée, ces dernières années. Comme le dit M. Tsang de l’Université de Nottingham, « une fois sous enquête pour corruption, le cadre chinois a 99% de chances d’être puni. Par contre, en se suicidant, il peut se soustraire à la justice et récuser la légitimité du Parti à le juger ».

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