Spatial : Chine et France, main dans la main dans l’espace

Au centre de test de Huairou, à 50 km de Pékin, le satellite présenté est une fleur tardive d’une amitié entre Présidents. En effet, en 2005, Jacques Chirac et Jiang Zemin signaient une coopération qui s’avérerait être une première mondiale : le CNES français et la CNSA chinoise allaient créer deux satellites de pointe, le CFOSAT d’étude des océans et le SVOM, d’astrophysique. La Chine fournirait le lanceur et la plateforme d’électronique, de communication avec ses tuyères de positionnement. Chaque pays apporterait ses systèmes d’observation.

Or, le premier de ces chantiers entre en phase finale. Sur le CFOSAT, la Chine apporte le radar d’étude des vents, et la France, celui d’observation des vagues, construit  par Thales et livré en août à la Chine.

Quel est le coût du projet pour la Chine ? « C’est pour nous sans intérêt, confie le chef de projet côté CNES, chaque partie livre sa part selon le contrat ». Sous 9 mois, une fusée Longue Marche-5 s’élancera, portant le CFOSAT sur orbite basse à 500km de la Terre, d’où il s’élancera, décrivant chaque 13 jours la même trajectoire.

Avant de découvrir le CFOSAT, un rituel est de rigueur, d’habillage d’une combinaison et de passage en sas de ventilation contre la poussière. Puis l’on découvre l’engin sur son châssis : doté d’une soucoupe d’émission du signal radar et du spectromètre d’analyse des données, il est plaqué d’un isolant brillant, couleur or, fait pour réfléchir les rayons solaires. Dans la cuve sous vide de 7m par 12m, le satellite est soumis à des phases de 100 minutes, entre +150°C et –190°C, simulant les conditions spatiales.

Un des intérêts du programme est de partager les frais d’une mission inédite, très ambitieuse. Durant trois ans, CFOSAT mesurera hauteur et direction des vagues, force et direction des vents. Livrées en direct, d’énormes masses de données seront analysées par de puissants processeurs, que les équipes finalisent en ce moment même.

La chef scientifique, Danielle Hauser confie : « notre engin ne pourra pas faire de pointage sur une cible, mais scrutera les mers à intervalles réguliers. La comparaison permettra d’améliorer les modèles de prévision des dépressions, tsunamis, et cyclones tropicaux ».

 La partie chinoise pourrait-elle être tentée de s’approprier illégalement le capteur français de technologie avancée, profitant du fait qu’il se trouve en ses murs ? L’hypothèse a bel et bien été envisagée, mais l’équipe française exclut tout risque : « tout piratage est impossible, nous avons pris nos précautions – et puis, nous sommes sur place en permanence ». De fait, sur 40 membres du CNES travaillant sur le projet, une dizaine se trouve à Huairou autour du satellite en cours d’assemblage, constamment relayés par leurs collègues de Toulouse. Au total, l’équipe franco-chinoise compte une centaine de personnes : « ils seront bien plus, précise Mme Hauser, une fois le satellite sur orbite et les transmissions entamées, qu’il s’agira de capter, et d’en interpréter les données ».

Le site de Huairou avait été construit en 1960 par des ingénieurs soviétiques, dans le cadre d’un projet de centrale thermique, puis abandonné après la mésentente soudaine entre partis-frères. En 1970, dans le cadre d’un programme spatial ambitieux lancé par Mao, le centre reçut sa 1ère salle de chauffe sous vide et sa salle hors-poussière, suivie d’autres installations permettant de traiter à présent jusqu’à 6 satellites par an.

Côté chinois comme français, les scientifiques apparaissent clairement enthousiastes de pouvoir partager cette aventure. Ils communiquent en trois langues –l’anglais sert de trait d’union : « nous échangeons surtout en langage scientifique, commente Céline Tison, océanologue, la mission partagée nous permet de mettre en arrière plan nos différences culturelles ».

La coopération se poursuivra donc jusqu’en 2024, fin de la durée de vie du second satellite, le SVOM, et au delà : « en fonction des résultats acquis », conclut Mme Hauser.

De fait, ce projet arrive à point, pour servir une autre coopération franco-chinoise, celle contre le réchauffement climatique. Il permettra d’en améliorer la compréhension, et de mieux cibler les stratégies de réponse à ce danger pour la planète. Autrement dit, ce n’est que le début d’une grande aventure !

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