En 2011, la junte birmane interrompait la construction d’un barrage chinois géant à Myitsone. Il s’agissait alors de prendre ses distances de Pékin, se rapprocher de l’Occident et se réconcilier avec Aung Saan Su Kyi, prix Nobel de la paix. Pour Pékin, c’était un coup dur.
Six ans plus tard, jamais les temps n’ont été si favorables à la Chine, pour tenter son retour en grâce. Un drame local l’y a aidé.
Depuis des années, l’armée birmane chasse les membres de la communauté Rohingya hors de leur sanctuaire dans l’Etat de Rakhine. La raison de fond : la région regorge de gaz naturel, bois et autres précieuses ressources, dont l’exploitation sera plus aisée sans la présence de cette ethnie musulmane très pauvre. 400.000 Rohingyas ont été chassés vers le Bangladesh, provoquant les critiques de l’Occident – surtout contre Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix. Or la Birmanie s’indigne de cette mise au ban.
Hong Liang, ambassadeur de Chine dans le pays, intervient : « la contre-attaque des forces birmanes contre les terroristes extrémistes (…) est fortement appréciée », et l’affaire est « du ressort intérieur ». Comme aux temps de la junte militaire, Pékin reprend son rôle de protecteur de la Birmanie contre toute sanction à l’ONU pour cause de droits de l’Homme.
Pour renforcer ce soutien, la Chine déplace son ambassade de Rangoon vers Naypyidaw la capitale depuis 2006 – un geste que très peu de nations se sont astreintes à faire.
La Chine a d’autres raisons d’être tolérante envers la répression des Rohingyas : il faut pacifier l’Etat de Rakhine, pour sécuriser les infrastructures qu’elle y a implantées. En avril entraient en fonction l’oléo-gazoduc Shwe-Kunming et le port maritime de Kiaukpyu à 2,5 milliards de $. Or, comme le note Fang Hongwei, de l’Université de Xiamen, « sans stabilité dans cette région, nos investissements au service des deux pays, n’ont pas d’avenir ».
Pour accélérer cette réconciliation, Pékin faisait dès cet été une concession majeure, en enterrant l’impopulaire projet de barrage de Myitsone, moyennant davantage de parts dans le port de Kiaukpyu. Ce faisant, il a démontré envers son petit voisin, une souplesse pragmatique et un redoutable talent de négociation.
Il se trouve que l’Inde aussi guigne du côté de la Birmanie—ses hydrocarbures et son marché de 70 millions d’âmes et de gros chantiers en perspective. La Birmanie est aussi une porte stratégique sur l’Océan indien. Avec de tels atouts, aucun des deux géants, en rivalité, ne peut rien avoir à refuser à Nypyidaw.
Sommaire N° 32 (2017)