Editorial : Entrechats pour le Congrès

À six semaines du XIX Congrès du PCC (18 octobre), media et classe dirigeante entretiennent une campagne de culte de la personnalité de Xi Jinping, sans précédent depuis 40 ans.

Au magazine « Study Times », Wang Yi, le ministre des Affaires étrangères, est élogieux : la « pensée diplomatique » du Président Xi est une « boussole des relations internationales, qui innove et transcende trois siècles de théorie occidentale ». Xi aurait enterré la « pensée de guerre froide » et lancé « de nombreuses idées nouvelles, ignorées par ses prédécesseurs ».

A la CCTV, du 11 au 15 septembre aux heures d’audiences maximales, le peuple chinois s’est vu offrir chaque jour 30 minutes de panégyrique des vertus du n°1, son inépuisable force de travail « jusqu’à en oublier de se nourrir », sa boulimie de voyages (près de 600.000km à travers les 5 continents) qui lui permettent de recevoir les respects des grands de ce monde, tout cela au service de la grandeur de la Chine…

Largement relayé par les media, le général Fan Changlong, n°2 à la Commission Militaire Centrale (bientôt à la retraite) présente Xi comme le « Leader » (lingxiu, 领袖)- titre honorifique qui n’avait plus été employé depuis Mao et son successeur Hua Guofeng. L’objectif de cette campagne d’image est très politique, directement lié à la guerre de succession.

Le XIX. Congrès nommera pour 5 ans les prochains Comité Permanent (CP) et Bureau Politique (BP). Or, cette question essentielle n’a pas été soulevée lors du conclave balnéaire de Beidaihe en août—qui l’a reportée au Plenum du Comité Central (CC) du 11 octobre, juste avant le Congrès.

Selon la rumeur, une opposition à Xi serait en train de se structurer, regroupant des forces hétérogènes unies par l’inquiétude de voir Xi aux pleins pouvoirs, mettant fin à 30 ans de direction collégiale. Ce groupe veut entraver la tentative de Xi de ne nommer aux organes suprêmes que des hommes sous sa coupe. Il veut aussi empêcher Xi de nommer son successeur, ou de s’auto-octroyer un 3ème mandat, ce qui briserait la pratique respectée depuis Deng Xiaoping. Et si Xi tente de se faire octroyer le titre, supprimé depuis les années 70, de « Président » du Parti, ils s’y opposeront : un Xi « Président » aurait la préséance au CP sur les autres membres, et un droit de veto. Or pour pallier la menace, la stratégie la plus sure pour Xi, serait de se faire couronner non « Président », mais « Leader ».

Une question-clé, dans ce jeu de pouvoir, sera de savoir si Wang Qishan, « pape » de l’anticorruption, gardera son poste. Atteint par la limite d’âge à 69 ans, ce plus sûr allié de Xi devrait se retirer. Faute de quoi d’autres membres du CP tels Zhang Dejiang ou Liu Yunshan—adversaires de Xi— pourraient exiger le même passe-droit. Il se trouve que par sa main de fer aux manettes de la police du Parti, Wang s’est fait détester par plus d’un. En août, le bruit le disait atteint d’un cancer du foie. Mais le voilà qui réapparaît en septembre, en apparente bonne santé… Partira, partira pas ? Le mystère reste entier.

En même temps et pas par hasard, tout ce battage s’accompagne de promesses populistes, d’un quinquennat meilleur : d’ici 2020, Xi éradiquerait la pauvreté (au sens de moins de 2800 yuans par an par habitant) et réaliserait ainsi une société chinoise « modérément prospère ». De même, il promet des avancées décisives dans la qualité de l’air, de l’eau et des sols, avec notamment d’ici là, la construction de 285 « éco-cités », un passage de 12% à 15% des énergies renouvelables dans l’assiette globale, et des programmes nucléaires et éoliens les plus ambitieux du monde. A coup sûr, le jour du Congrès, Pékin profitera d’un ciel d’azur, grâce à la fermeture temporaire d’une majorité des usines, 500km à la ronde.

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