En 2011, Syngenta, le géant helvétique des semences, mettait en vente aux Etats-Unis, Viptera, son maïs génétiquement modifié pour résister à 16 insectes. Ces graines permettaient un rendement élevé, et l’économie de la quasi-totalité des pesticides. Dans le Middle West, elles rencontrèrent un grand succès.
Le problème arriva après deux ans : la récolte fut si bonne que les cours s’effritèrent. Puis la Chine, gros client traditionnel, interdit le débarquement de cargos de ce produit « pollué » aux OGM, alors classé impropre à la consommation sur son sol. Syngenta avait déposé la demande de certification en Chine, mais elle ne devait aboutir qu’en 2014. En 2016, le retour à l’envoyeur d’1,4 million de tonnes, causa la perte de 13 milliards de $ (selon un des avocats des farmers, Mikal Watts), et 5 ans après, les cours n’avaient pas toujours retrouvé leur niveau. En bourse de Chicago, les marchés à terme restent 16% plus bas et le marché « spot », 21%. Pire : la Chine s’est trouvé d’autres fournisseurs, en Ukraine entre autres, dépossédant ainsi les USA d’un marché dont ils étaient rois.
C’est pourquoi le 24 avril à Minneapolis (Minnesota) s’ouvrait le 1er de six procès contre Syngenta, accusé d’avoir précipité la mise en vente de ses nouvelles semences et d’avoir sciemment fait porter le risque sur les farmers dont certains ont été saisis, faute de pouvoir rembourser leurs prêts.
Les compensations réclamées seront lourdes. Les 30.000 plaignants de Minneapolis attendent 600 millions de $, ceux du Kansas en veulent 200 millions de $. En 2018, plusieurs procès auront lieu, sur plainte des exportateurs, Archer Daniel Midland, et Cargill, réclamant compensation pour les 1,4 million de tonnes retournées par Pékin– le coût du transport, les profits perdus…
Syngenta tente de dégager sa responsabilité : ayant derrière lui le feu vert du régulateur américain, il n’avait pas besoin de celui de Chine. Quant à l’effondrement des prix, il était imputable à la récolte excessive, bien en amont du refus chinois. D’après les experts, les plaignants auront du mal à obtenir gain de cause, faute de pouvoir établir, en droit américain, la preuve d’un « effort direct de Syngenta pour leur nuire »….
Un dernier point complexifie l’affaire encore un peu plus – comme si elle en avait besoin ! Entretemps, Syngenta est racheté par la Chine – il ne manque plus que le feu vert de l’Inde pour que le deal se fasse. Dès lors, les deux agents du contentieux (l’auteur de la récolte, et celui de son renvoi) n’en font plus qu’un– l’Etat chinois, dont ChemChina, le nouveau propriétaire de Syngenta, est propriété à 100%. Les juristes se frottent les mains !
1 Commentaire
severy
30 avril 2017 à 09:38Parfait. Le serpent se nourrit directement de ses excréments. Belle démonstration de recyclage. On se demande à quoi il ressemblera après plusieurs « épi-cycles » d’absorption-déglutition-digestion et excrétion…