En 2012, pour 1,2 milliard de $, Bright, le poids lourd laitier shanghaïen, reprenait en fanfare 60% de Weetabix, le spécialiste britannique du petit-déjeuner, présent dans 80 pays. Bright, soutenu par sa mairie, voulait convertir la Chine aux galettes de flocons de céréales. C’était le plus gros achat agroalimentaire chinois.
Soixante mois plus tard, la fanfare s’est tue : Bright revend à Post Holdings Inc., le concurrent américain de Weetabix (Shredded wheat, Alpha Bits). Prix de vente : 1,8 milliard de $, juste de quoi récupérer sa mise, sans compenser 5 années d’absence de profits. À cet échec, la raison est simple : la formule n’a pas pris en Chine, question de culture. Seul un muesli au thé vert, développé spécialement pour la Chine, a réalisé un maigre succès, forçant Bright à arrêter les frais.
Pourquoi une telle impopularité ? D’abord, prime une raison historique et biologique, celle des années 80, où le Chinois ne pouvait digérer le lait, faute de s’y être adapté. En 2017, le Chinois accepte d’en donner aux enfants, mais s’en méfie pour son propre petit-déjeuner. Le temps reste encore proche (une à deux générations) où l’ouvrier ou paysan devait prendre au matin un repas calorique composé de beignets, pain étuvé au porc, crêpes aux oignons de printemps, ou soupe de riz aux navets fermentés… Ainsi, Weetabix apparaît peu nutritif, insipide—et plus cher.
De plus, la Chine a développé d’autres petits-déjeuners modernes, à dévorer sur le chemin du bureau, comme smoothies et barres protéinées, face auxquels Weetabix reste hors course.
Autant dire que Bright, reprenant la marque en 2012, a surestimé l’existence d’un marché local pour les produits Weetabix. Un échec qui n’est pas limité à Bright : depuis 2007, selon McKinsey, 300 rachats chinois hors frontières, et 60% des investissements dans cette catégorie, n’ont pas été rentables. Ils ont été acquis trop chers (à un pic du prix d’une matière première par exemple), ou sans que l’acquéreur ne se préoccupe des chances d’intégrer à son empire, des outils industriels dont la culture d’entreprise était aux antipodes.
Dernier point qui ne devrait pas trop surprendre : trois ans après l’achat, le CEO de Bright, Wang Zongnan partait en prison pour corruption. Un sort qui en définitive, exprime moins chez cet imprudent patron, une malhonnêteté invétérée, qu’une naïveté sans limite.
Sommaire N° 15 (2017)