Début XXe siècle, les Français s’établirent à Djibouti, point stratégique sur la Mer Rouge, entre Somalie et Ethiopie, gardant la route du Canal de Suez. Depuis, Etats-Unis et Japon se sont ajoutés, suivis de la Chine. Elle arrive dernière, mais se donne les moyens de rattraper, en mettant en œuvre sa stratégie préférée : une large éventail de moyens de développement.
Tout passe par la symbiose chinoise avec l’Ethiopie, pays enclavé, mais qui sous les vigoureux plans d’équipements chinois depuis 2010 dans les routes, l’énergie et l’investissement textile, maintient une croissance supérieure à 10% par an. Pékin vient d’inaugurer en janvier sa ligne de train électrifiée Djibouti-Addis-Abeba (490 millions de $), qui poursuivra ultérieurement jusqu’à l’Atlantique et sa côte Ouest. La Chine crée à Djibouti un aqueduc, un oléoduc et un gazoduc (322 millions de $), une station de liquéfaction GNL. Elle trace une route vers le lac Assal—pour le tourisme et l’extraction de sel. Elle crée deux aéroports (l’un international, l’autre touristique) pour 600 millions de $. Pour 590 millions de $, Dalian Port Corp. achèvera d’ici août le port multitâches de Doraleh, (vrac, conteneurs) avec six appontements dont un réservé à l’armée chinoise (APL), et une zone franche de 48km² appelée à devenir la première d’Afrique, devant générer 15 000 emplois. China Merchant Bank a acquis 30% et 60% dans ces outils, ambitionnant de faire de Djibouti un « Shenzhen » d’Afrique de l’Ouest, base logistique et industrielle entre l’Asie et l’Europe, appelée à traiter aussi le produit des usines éthiopiennes… De plus, huit investisseurs créent une station hôtelière pour faire passer le nombre des touristes de 80.000 par an à 500.000 (dont la moitié d’Asie) d’ici 2030…
La base navale chinoise abritera 10.000 marins, affectés –selon l’APL– à la protection des convois civils dans ces eaux infestées de pirates. Pour la location de sa base, la Chine paie 100 millions de $ par an, bien plus que Washington (63 millions). Tout le monde ne voit pas d’un bon œil l’arrivée chinoise : Etats-Unis et Inde s’inquiètent de cette nouvelle « perle » (base militaire) au « collier » chinois dans l’Océan indien, avec Gwadar (Pakistan) et Hambatota (Sri Lanka—encore non-confirmée). Mais pour Djibouti, elle est une manne inespérée, promesse de vie meilleure pour une population parmi les plus pauvres au monde, avec 60% au chômage, 40% sous la seuil de pauvreté et 25% à risque de famine.
Sommaire N° 15 (2017)