Société : Pékin—Une poussée d’espionnite

« Pour 72.000 $, dénoncez un espion étranger » ! Telle est la dernière offre de la police pékinoise à ses résidents, fort diffusée dans les médias, suite à une décision du ministère de la Sécurité d’Etat d’intéresser les masses à « graduellement bâtir une grande muraille d’acier contre l’espionnage ». Raison alléguée : « Pékin est le choix n°1 des agences d’espionnage étrangères et autres forces  hostiles pour leurs activités d’infiltration, division, subversion et vol de données ».
Un détail important est à relever : dans l’histoire du régime, sous Mao et sous Deng en particulier, les appels à la délation n’ont jamais été rémunérés. Cette innovation – et ce tarif élevé – signale que le peuple chinois adhère moins qu’hier aux campagnes répressives, même au nom de la patrie.

Y a-t-il vrai danger ? Des « honorables correspondants » existent bien dans la capitale, sous couvert d’un métier avouable. Mais la plupart de ces êtres discrets sont connus des renseignements locaux, au point de travailler avec eux, en échange d’informations. Au reste, la surveillance des étrangers, sans cesse perfectionnée au fil des années, devrait suffire à protéger les données d’un des régimes les plus confidentiels de la Terre.
Alors, pourquoi une telle campagne ? Une réponse pourrait être la bataille du XIXe Congrès d’octobre. Dans ce climat, lancer une campagne de délation permet à ses auteurs de démontrer à bon compte leur loyauté envers le Parti.

Autre clé de lecture : le ralentissement économique. On voit croître un certain parallélisme entre la baisse de croissance et une discrète poussée xénophobe sur les réseaux sociaux. Dès mai 2014, Global Times accusait des agences de renseignement étrangères de chercher à recruter des étudiants chinois  pour les placer comme « oreilles » dans les ministères—ce qui, au passage, est une pratique courante de la Chine en Europe et en Amérique.

De même, en avril 2016, le régime publiait une BD issue du ministère de la Sûreté publique,  recommandant aux étudiant(e)s d’éviter toute romance avec des étrangers. Ils seraient de potentiels espions, en quête de secrets d’Etat.

Un dernier élément de réponse peut résider dans la forte tension actuelle dans l’opinion, face aux scandales répétés – alimentaires, corruption et pollution. Braquer le projecteur sur une menace étrangère, est un moyen bien connu de détourner l’attention.

 

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1 Commentaire
  1. severy

    Aah! Enfin, la Chine, qui ne s’est jamais gènée pour espionner les « diables étrangers » afin de s’emparer de leurs connaissances et d’imiter leurs savoir faire, se sent à son tour assez avancée pour s’estimer menacée d’espionnage. On peut croire qu’elle a bien raison. Il y a peu de doute que la Corée du nord, Cuba et le Zimbabwe ne piratent bientôt les plus beaux fleurons de son industrie. Telle est la rançon de la gloire.

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