Politique : En marge de l’ANP, la grande foire d’empoigne

Le 5 mars, le Plenum de l’ANP (Assemblée Nationale Populaire, aux 3000 élus) ouvrait ses portes – ultime étape avant le XIX Congrès d’octobre. La période est cruciale alors que se négocient les promotions et les limogeages, de factions telles le gang de Shanghai autour de Jiang Zemin l’avant dernier Président, ou la tuanpai, la Ligue de la jeunesse de Hu Jintao, le prédécesseur de Xi Jinping

Lors du Congrès d’octobre, 5 des 7 postes du Comité Permanent seront à pouvoir, actuellement occupés par d’ex-compagnons de Jiang Zemin. Sur le marché des rumeurs, Chen Min’er, Secrétaire du Guizhou et ancien compagnon de Xi, pourrait y gagner une place, sautant ainsi l’étape du Politburo. Parmi les autres candidats, Li Zhanshu (Secrétaire général du Parti) et Zhao Leji, chef du département de l’organisation (proches de Xi et tous deux déjà au Politburo).

Elu « noyau central du Parti » au Plenum du Comité Central en octobre 2016, Xi Jinping a passé 5 ans à se créer une majorité fiable. Ses dernières promotions le reflètent, tous fidèles – et compétents. He Lifeng (62 ans) reprend à Xu Shaoshi la NDRC (l’organe de planification). Zhong Shan, vice-ministre du Commerce (61 ans), devient ministre. Guo Shuqing, ex-gouverneur du Shandong, devient patron de la CBRC, tutelle des banques, avec pour mission de traquer la finance grise et l’enrichissement inéquitable. Cette nomination, au passage, empiète sur les attributions du Premier ministre Li Keqiang, patron de l’économie… Li pourrait être bien plus embêté si, en octobre, Xi optait pour nommer Wang Qishan (le chef de l’anticorruption) à sa place, passant outre la règle des 68 ans, date de la retraite…

À la justice, Zhang Jun passe ministre, et Xu Xianming vice-pro-cureur suprême. Zhang espère renforcer l’« Etat de droit » – plus exactement, la « gouvernance selon la loi », et défendre les droits des avocats et de la population carcérale.

Le chercheur canadien Alex Payette observe le grand nettoyage de la scène politique mené par Xi, secondé par Wang Qishan. En la première moitié de sa carrière, ce grand serviteur de la nation travaillait pour Jiang Zemin. Une fois Xi Jinping arrivé au pouvoir en 2012, Wang a su gagner la confiance de ce nouveau maître, avec pour mission de déboulonner les personnages installés par Jiang dans les organes centraux et dans les provinces, lui permettant ainsi de garder une forte influence longtemps après la fin de son mandat.

Pour abattre cette forteresse, Wang s’est employé à « encercler » ou « nettoyer » ces factions, les immobilisant sans avoir besoin de les frapper. À Shanghai, des dizaines de hauts cadres ont été évincés. Dernière victime, le maire Yang Xiong « démissionne » (17 janvier) au profit de Ying Yong, qui fut secrétaire de Xi en 2007. Enfin, Han Zheng, 63 ans, Secrétaire du Parti pour Shanghai, est lentement conduit vers la sortie.

Une stratégie identique se lit dans les provinces : la campagne anti-corruption sert tant à ramener les cadres vers la morale, qu’à s’en faire obéir et surtout qu’à les figer dans une passivité de survie, les empêchant de s’organiser et de contre-attaquer.

Bilan actuel : Xi Jinping contrôlerait le Jiangxi (Secrétaire Lü Xinshe), Liaoning (Li Xi), Mongolie Intérieure (Li Jiheng). Outre Shanghai, il tient les trois autres métropoles sous tutelle directe du Conseil d’Etat. A Chongqing, Sun Zhengcai, le leader « de 6ème génération », fidèle à Wen Jiabao, est contenu par le jeune vice-maire allié de Xi, Zhang Guoqing ; à Tianjin, Li Hongzhong tirait profit de la mise en examen de son prédécesseur et devenait 1er Secrétaire ; et à Pékin, Cai Qi était promu maire.

Au total, sans surprise, Xi contrôle 17 des 34 provinces et régions du pays, et tous les postes clés dans l’armée (sa dernière nomination : le lieutenant Général Zhang Shengmin à la Commission de discipline de l’APL).

Surprise : Hu Chunhua et Sun Zhengcai, les Secrétaires pour Canton et Chongqing, résistent mieux que prévu aux enquêtes de Wang Qishan. Aussi ces alliés de Hu Jintao et de Wen Jiabao, gardent leurs chances, lors du Congrès d’octobre, d’être promus au Comité Permanent (7 membres) voire même de succéder à Xi Jinping en 2022.

Ceci force Xi, par prudence, à former un successeur « de la 7ème génération », pour reprendre les affaires en 2032. Dans le peloton de tête figure Shi Guanghui, 47 ans, placé dès 2013 par Xi en tant que vice-maire à Shanghai. D’autres jeunes loups sont Fu Zhenbang de la Ligue de la jeunesse (organe en forte perte de vitesse sous les attaques du Président Xi, et qui peut placer en lui ses ultimes espoirs de survie), et Zhou Liang (47 ans), dauphin adoubé de Wang Qishan. Si l’avenir se déroule selon ce scénario, le vainqueur sera moins un homme, quel qu’il soit, que le système de succession lui-même, mis en place par Deng Xiaoping : le droit pour tout leader de choisir non son successeur directement, mais celui de son successeur deux générations plus tard.

En octobre dernier, Xi semblait tenté de casser ce système pour empocher un 3ème quinquennat, ce qu’aucun Président avant lui n’avait réussi, vu l’opposition de ses pairs. Si, en fin de compte, Xi décide de respecter la tradition, c’est au vu du chaos qu’il risquerait en transgressant les règles – chaos redoutable et redouté, d’une nuisance susceptible de désarçonner le socialisme en Chine.

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