Le voyage fait des étincelles, semant l’espoir chez les uns, le scandale chez d’autres. Huang Jiefu, ex-vice-ministre (réformateur) de la Santé était invité les 7 et 8 février au Vatican, au Sommet mondial du trafic d’organes et du tourisme de greffe. C’était la première fois qu’un cadre politique chinois de ce niveau se rendait dans la cité de Saint-Pierre.
La Chine, qui pratique chaque année la moitié des exécutions mondiales (5000/an selon certaines sources), réimplantait jusqu’à récemment les organes des suppliciés chez des receveurs locaux ou étrangers (riches). En 2015, une loi bannissait ce commerce. Huang était donc venu affirmer la détermination de l’Etat chinois de mettre un terme à cette pratique. Dès maintenant dit-il, elle serait relayée par le don volontaire lors du décès. En 2016, expliquait-il, ces dons ont progressé de 50% avec 4080 cas. « Sous 5 ans, ajoutait-il, nos donneurs dépasseront en nombre la cohorte de leurs homologues américains ». En face cependant, des lobbies de défenseurs des droits de l’Homme, convaincus de la mauvaise foi chinoise, déploraient cette invitation de Huang, « cadre marxiste » par un Pape François, « naïf ». Et de fait, la décision avait été prise par toute la Curie, suite à un âpre débat.
En filigrane de l’invitation, se dessinait un débat non moins conflictuel, la réconciliation de Rome avec Pékin. Le Vatican s’apprête à abandonner sa nonciature (son ambassade) à Taiwan, Pékin renoncera à nommer les évêques, et tous deux enterreront ainsi plus de six décennies de diabolisation mutuelle. Ce processus est rendu possible par un hasard historique, l’avènement simultané de Xi Jinping et du Pape François, décideurs pragmatiques, capables de voir l’occasion et les gains pour chacun à engranger d’un concordat—la fin des églises de l’ombre pour la Chine, le raffermissement de l’apostolat pour le Pontife.
Aussi ce chemin est-il engagé – et la visite de Huang n’en est qu’une étape. Elle avait été précédée en 2014 par le permis de pénétrer l’espace aérien chinois par l’avion papal en route vers Séoul, et une série d’échanges entre les leaders—bonnes paroles, vœux, cadeaux privés, expositions d’art.
Pour prévenir l’espoir intempestif, Pékin précise que cette mission n’est « pas liée au rétablissement des liens ». Ce qui n’empêche le cardinal Pietro Parolin, depuis le Vatican, d’attendre en 2017 des « progrès significatifs ». Les négociations qui avancent, discrètes et intensives, portent leurs fruits, encore invisibles mais bel et bien déjà présents.
Sommaire N° 5-6 (2017)