En 2015, la mort du magnat Yan Jiying, au Shanxi, défraya la chronique. Sa disparition à 71 ans sans testament causa une spectaculaire saga entre sa femme, son amante et ses 6 enfants, se déchirant son patrimoine. A présent, de tels cas se multiplient en Chine, signe d’une crise imminente : sur les 220 millions de sexagénaires du pays en 2017, seul 1% a préparé ses dernières volontés.
Une raison à cette lacune, est la loi de 1985 sur les legs, aux nombreux vides juridiques, incapable par exemple de gérer une succession de biens immatériels. Les Chinois âgés hésitent aussi à faire leur testament par blocage culturel, de peur de s’attirer un sort maléfique, en évoquant leur mort.
L’Etat n’ose pas non plus imposer une taxe de succession l’instar des pays occidentaux. Elle serait pourtant une ressource précieuse pour alimenter la caisse de retraite de ce pays d’1/5ème de l’humanité. De plus, la nouvelle classe moyenne n’en veut pas—moins encore, celle des familles dirigeantes.
Sans doute, le prix à payer pour la pénurie des testaments, sera une bataille devant les tribunaux, qui verront se déchirer des millions de familles. Mais il n’est plus temps de tergiverser : la première génération des nouveaux riches disparaît, sans instructions claires sur le partage des fortunes qu’elle a générées.
Pour pallier et encourager la pratique testamentaire, l’Etat fait appel au niveau de la base. En 2013, Chen Kai, jeune avocat altruiste et visionnaire fonde le Centre National d’Enregistrement des Testaments, doté de 4 bureaux entre Pékin, Tianjin, Canton et Nankin. Le centre compte déjà à son actif 40.000 legs. Pour ce service gratuit très demandé, la liste d’attente est de 9 mois. Le candidat émet ses vœux de succession devant un juriste, qui rédige un acte. Puis comme contrefort juridique, un psychiatre teste sa santé mentale, une vidéo des derniers vœux est tournée devant 2 témoins, et le demandeur fait une copie manuscrite de l’acte pour prévenir toute contestation.
Sage précaution ! Parmi les centaines de successions contestées en justice à Pékin, 70% le sont pour cause d’absence de testament, et 60% des procès résultent en un verdict qui casse la succession telle qu’une partie des héritiers avait tenté de l’imposer.
Sommaire N° 5-6 (2017)