Impossible de rater ces 24 heures : avec ses salves de SMS et ses affiches dans tous les métros de l’Empire, la « fête des célibataires » du 11 novembre était partout. Alibaba, « inventeur » de l’ événement commercial offre chaque 11.11, sur ses plateformes Tmall et Taobao, des réductions sur des milliers d’articles. Depuis 2009, cette orgie nationale d’achats en ligne voit chaque édition battre le record de la précédente.
Le groupe de Jack Ma (patron d’Alibaba) tint le 10 au soir, un gala télévisé suivi par des centaines de millions de téléspectateurs, avec en invités d’honneur les stars David Beckham (football), Scarlett Johansson (cinéma) et Kobe Bryant (basket), un show entrecoupé de nombreux jeux auxquels le public se mêla via 6,9 milliards d’interventions sur leurs smartphones. Entre autres, Alibaba offrait une chasse à un chaton virtuel, en un clone du jeu des Pokemon Go : les chasseurs sachant chasser – parfois dans des boutiques tout ce qu’il y a de plus réelles – gagnaient des coupons de réductions. Parallèlement, les propriétaires d’un casque « Buy+ » pouvaient s’initier à la réalité virtuelle, en vadrouillant à travers les rayons (simulés) de chez Macy’s à New York : il suffisait de hocher de la tête pour marquer un choix d’achat. Durant ces 24 heures, 30 000 marques participaient, dont 12 000 étrangères. Au hit-parade des produits les plus vendus les premières heures, figuraient les masques cosmétiques, rouges à lèvres, ou couches pour bébés… En grande première, Hong Kong et Taiwan étaient de la fête, avec en ligne de mire d’Alibaba, l’Asie du Sud-Est pour 2017. De son côté, JD.com tentait de soutenir la concurrence technologique en testant des livraisons par drone à travers quatre zones rurales.
Les analystes veillent : Tang Yaqiong (Analysys International) estime que cette année les consommateurs répriment les achats irrationnels, et gardent en tête la notion du besoin réel. Maggie Wang de chez AdMaster, détecte une demande en « plus de sophistication et de customisation . Finie, la frénésie aveugle des années précédentes !
Pendant ce temps, la SAIC, tutelle du commerce, jouait les gendarmes, traquant faux produits, ventes fictives, et généralement toute arnaque issue des imaginations inépuisables des tricheurs en ligne. Autre évolution : 85% des ventes se sont faites sur téléphone mobile (contre 70% en 2015). C’est grâce à ces smartphones, connectés jusque dans les campagnes, qu’Alibaba, en dépit de la sobriété croissante d’achats, battait une nouvelle fois son record annuel avec 17,8 milliards de $ de ventes, contre 14,3 milliards de $ en 2015.
Pour conclure, la maîtrise de la pulsion d’achat a tout même ses limites : ce chef d’entreprise de Chongqing en était bien conscient, quand il a retenu les salaires de ses employés jusqu’au mois prochain, pour les protéger d’eux-mêmes !
Sommaire N° 38 (2016)